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TERRY PRATCHETT… Un article qui vous en apprendra un peu plus…

13 Mar
TERRY PRATCHETT… Un article qui vous en apprendra un peu plus…

Ci-dessous, un copié/collé d’ article paru dans le journal Le Monde et qui vous apprendra un peu plus sur l’homme et l’écrivain qu’était PTerry…

Terry Pratchett, un homme en colère

Le prolifique auteur de fantasy humoristique, qui était atteint de la maladie d’Alzheimer, s’était engagé pour le droit à l’euthanasie.

Le Monde.fr | 13.03.2015 à 16h17 • Mis à jour le 13.03.2015 à 18h27 | Par Damien Leloup

Il fait partie des rares personnes qui ont décrit comment elles allaient mourir. « J’ai bien l’intention de mourir dans une chaise dans mon jardin, un verre de brandy à la main et Thomas Tallis dans mon iPod – Thomas Tallis, parce que je pense que sa musique pourrait rapprocher même un athée un peu plus près du paradis », expliquait-il en 2009.

Terry Pratchett est mort, jeudi 12 mars, à l’âge de 66 ans – non pas dans son jardin, mais dans son lit, près de son chat endormi et entouré de ses proches. Il avait également prévu l’éventualité d’une mort à l’intérieur : « C’est l’Angleterre, s’il pleut, ça sera dans la bibliothèque. »

Très actif militant du droit à l’euthanasie, écrivain de fantasy humoristique à succès, fin linguiste, star des conventions de littérature fantastique et de science-fiction, Terry Pratchett avait de multiples casquettes. 80 millions d’exemplaires des quelque 40 livres des Annales du Disque-Monde se sont vendus depuis la création de la série, en 1983 – faisant de lui, jusqu’au succès de Harry Potter, le champion des ventes de livres au Royaume-Uni. Toujours souriant, ce collectionneur de plantes carnivores qui maniait l’humour – anglais, forcément – avec un brio rare semblait incarner la bonne humeur.

Lire : Terry Pratchett en dix questions

Pourtant, son ami Neil Gaiman, avec qui il avait écrit le très drôle De Bons présages, dans lequel un ange et un démon s’allient pour faire capoter l’apocalypse, l’a écrit noir sur blanc : « Terry Pratchett n’est pas un homme joyeux. C’est un homme en colère. »

Dans un long texte qui sert de préface à A Slip of the Keyboard, un recueil de textes conçu à la manière d’un testament et publié l’an dernier, Neil Gaiman raconte une anecdote. Au cours d’une tournée de signatures, les deux écrivains se sont perdus – dans le taxi qui les amenait, en retard, à leur rendez-vous suivant – et Terry Pratchett semblait furieux. Lorsque son ami a tenté de lui dire que cela n’était pas bien grave, le créateur du Disque-Monde lui a fait une révélation : « Ne sous-estime pas cette colère. Cette colère est le moteur qui a fait tourner De Bons Présages. »

Terry Pratchett et son traditionnel chapeau.
Terry Pratchett et son traditionnel chapeau. PENGUIN RANDOM BOOKS

Bien sûr, Terry Pratchett, avec son chapeau, sa barbe blanche, ses lunettes et son sourire de grand-père de conte de fée, n’avait pas grand-chose d’effrayant. Mais son moteur d’écrivain était bien cette détermination nourrie d’une colère sourde, dirigée contre « ce directeur d’école qui décide qu’à 6 ans, Terry Pratchett ne sera jamais assez intelligent pour le collège ; contre les critiques imbus, contre ceux qui pensent que “sérieux” est le contraire de drôle ; contre son premier éditeur américain qui ne diffusait pas ses livres… »

Les Etats-Unis ont en effet longtemps été une exception dans la carrière de Terry Pratchett. Alors que ses livres se vendaient à plus de 2 millions d’exemplaires chaque année au Royaume-Uni, ses ouvrages sont restés longtemps mal distribués outre-Atlantique. Ce qui agaçait profondément Terry Pratchett, qui faisait régulièrement le tour du monde pour la promotion de ses romans, et qui ne parvenait pas à comprendre pourquoi l’Amérique le boudait. Il finira par y changer d’éditeur.

Un monde gigantesque

Dans l’intervalle, le Disque-Monde a grandi – acquérant presque une vie propre, avec des milliers de récits de fans publiés sur le Web. Il y décrit un monde médiéval-fantastique, peuplé de personnages archétypaux et drôles – l’incorruptible policier Samuel Vimaire, l’archichancellier de l’université (de magie) de l’Invisible, la sorcière féministe Magrat Goussedail, l’entrepreneur en série Planteur « je me tranche la gorge », l’inventeur et artiste fou Leonard de Quirm…

Tout un monde confronté à des bouleversements familiers de tous les lecteurs : l’arrivée des « images qui bougent » des Zinzins d’Olive-Oued, de l’imprimerie et la presse dans La Vérité, de la « musique avec des rocs » d’Accros du roc… Il y a des dragons (parfois), de la magie (souvent), des héros chevaleresques (rarement, surtout dans le coupe-gorge peu fréquentable qu’est la ville d’Ankh-Morpok, au centre du Disque-Monde).

Cela ressemble à de la fantasy, cela a la couleur de la fantasy, mais les Annales du Disque-Monde sont surtout une gigantesque parabole sur les qualités et travers de l’humanité, et sur la société contemporaine et ses problèmes : pauvreté, racisme, populisme, guerre dont les soldats sont les premières victimes, comme dans le particulièrement sérieux Le Régiment monstrueux… La colère contre l’injustice n’est jamais très loin.  

Et puis il y a, au milieu des années 2000, cette autre colère, d’abord contre lui-même. Contre le Terry Pratchett qui fait de plus en plus de fautes de frappe, alors que l’orthographe et la grammaire comptent parmi ses passions. Contre le Terry Pratchett, encore jeune – il n’a pas même 60 ans – qui peine, désormais, à enfiler son pantalon. Contre le système de santé ensuite, qui met du temps à trouver ce qui cloche. Contre la maladie, enfin, cette « atrophie corticale postérieure », ACP, qui lui est finalement diagnostiquée. Une forme rare de la maladie d’Alzheimer, qu’il appellera souvent l’« embuggerance » – « ce petit truc chiant ».

Comme pour de nombreuses maladies neurodégénératives, il n’existe pas de traitement curatif. Les symptômes, eux, peuvent être mis sous contrôle, au moins quelques années, grâce à un traitement qui coûte cher. Terry Pratchett peut se le permettre, ses romans l’ont rendu riche. Ce n’est pas le cas de tous les malades souffrant d’ACP. La colère, encore une fois, revient. 

Elle prendra, cette fois-ci, la forme d’une annonce publique : oui, Terry Pratchett est malade, oui il souffre d’une maladie encore souvent taboue. « Les gens m’arrêtaient dans la rue pour me dire que leur mère l’avait, ou que leur père l’avait. Parfois, c’était les deux parents, et quand je regardais dans leurs yeux je voyais la peur. L’autre jour, à Londres, un homme costaud m’a attrapé par le bras, m’a dit “merci pour ce que vous faites, ma mère en est morte” et a disparu dans la foule », écrira-t-il quelques années plus tard.

LA MORT

Ce n’est pas la perspective de la mort qui le terrifie. Plutôt ce qui précède : le spectre des derniers jours de son père, mort dans d’atroces souffrances, comme « victime collatérale du combat entre le cancer du pancréas et la morphine ». La Mort, avec une majuscule, Terry Pratchett connaît bien : la faucheuse – qui est de caractère masculin dans son univers – est l’un des personnages incontournables du Disque-Monde. On reconnaît facilement son arrivée dans le récit : Il PARLE EN MAJUSCULES.

"Mort", "Mortimer" en français, raconte l'histoire du premier apprenti de la Mort.
« Mort », « Mortimer » en français, raconte l’histoire du premier apprenti de la Mort. Penguin

Dans les romans de Terry Pratchett, la mort ne fait pas peur. C’est un personnage finalement très sympathique : dans Mortimer, il a même une fille (adoptive), s’encanaille sur Terre en travaillant dans un fast-food, et apprend à comprendre cette étrange chose que font les humains, « s’amuser ».

Et c’est logique : ce n’est pas lui qui tue, blesse, torture, affame, ce sont les hommes qui s’infligent tout cela. Lui ne fait que passer récupérer les âmes, un boulot qui rend forcément un peu philosophe : « IL N’Y A PAS DE JUSTICE. IL N’Y A QUE MOI. » C’est à lui qu’est revenu l’honneur, ce 12 mars, d’annoncer sur les réseaux sociaux la mort de son auteur : « IL EST TEMPS, SIR TERRY, QUE NOUS MARCHIONS ENSEMBLE. »

La Mort version Pratchett, qui apparaît dans quasiment chaque roman du Disque-Monde, a d’ailleurs ses fans. « Au bout d’un an ou deux, j’ai commencé à recevoir des lettres sur la Mort », écrit le romancier dans A Slip of the Keyboard. « Elles venaient de gens dans des maisons de retraite, de leurs parents, de personnes en deuil, d’enfants dans les services de traitement des leucémies, et de parents dont le fils s’était tué au guidon d’une moto. […] Toutes ces lettres tentaient, à leur manière, de dire “merci”, et avant que je ne m’y habitue, l’arrivée d’une de ces lettres pouvait me toucher suffisamment pour que j’arrête d’écrire pour la journée. »

Débat public sur le droit à l’euthanasie

Sa conviction ne date pas du diagnostic de sa maladie, mais elle s’en est renforcée : tout être humain a le droit de choisir quand et où il souhaite mourir. Et doit pouvoir le faire dignement. Terry Pratchett s’est déjà investi dans d’autres causes, contre la politique fiscale, pour la protection des orangs-outans dont il s’est inspiré pour créer son personnage du bibliothécaire simiesque de l’université de l’Invisible.

Il embrasse à corps perdu la cause du droit à mourir dans la dignité. En 2011, il participe au controversé documentaire de la BBC, Choisir la mort, pour lequel il a accompagné en Suisse une femme et son mari, atteint d’une maladie incurable, où ce dernier se suicide avec une assistance médicale, comme le permet la loi locale. 

La démarche est conçue pour choquer, alors qu’au Royaume-Uni, comme en France, le débat sur la fin de vie reste extrêmement violent. La présence d’un sir – Terry Pratchett a été anobli par la reine d’Angleterre en 2008, en récompense pour l’ensemble de son œuvre – ajoute au scandale.

La BBC, qui a conçu et diffusé le documentaire, est la cible d’une campagne de la part d’associations, de la presse conservatrice et de quelques élus. Mais le public soutient la démarche : « Le directeur nous a dit que le standard avait reçu 1 219 plaintes et 301 appels de soutien. Ce qui nous place dans le top dix des programmes les plus appréciés de l’année », écrit Terry Pratchett quelques jours plus tard dans The Independent.

Il est mort avant qu’un changement de loi se produise au Royaume-Uni. Mais il avait noté à plusieurs reprises, avec plaisir, que les mentalités changeaient. Partout, jugeait-il, sauf parmi  la classe politique.

Sans doute aurait-il réagi avec vigueur au message d’hommage publié le 12 mars par le premier ministre, David Cameron, qui a salué la mémoire d’un auteur « qui a fait rêver des millions de gens » et qui a lutté pour « sensibiliser le grand public aux maladies neurodégénératives ». Sans mentionner son combat pour le droit à mourir dans la dignité. Ce message officiel, sans aucun doute, l’aurait mis hors de lui.

 

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