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Archives de Catégorie: Medieval – Middle Age

LES LIVRES A RELIURES BRODéES…

LES LIVRES A RELIURES BRODéES…

Les couvertures brodées, dont les plus anciennes datent de la période médiévale, sont de luxueux petits objets qui réjouissent tous les amateurs de l’objet livre. Les fonds de couvertures sont le plus souvent en velours, le matériau le plus approprié. Ceux en soie ou en satin sont plus fragiles. Les broderies sont en  fils de soie, d’or, d’argent et ornées de  bandes en or et argent. Les bandes de métal (ou « passants ») battues fines sont cousues avec des fils de soie qui les traversent. Les ajouts de paillettes ne sont pas courants, les ajouts perles prévalaient au XVe siècle.

les fils d’or/argent étaient fabriqués en jumelant de longues et fines bandes d’or ou d’argent autour d’un fil de soie ou de lin, fil  tissé  ensuite dans la matière première ou utilisé pour la broderie. Des petits anneaux en forme de tire-bouchons fabriqués avec ces fils enroulés capturent la lumière et font étinceler le support. L’or et l’argent ressortent mieux sur le velours et le résultat valait la peine du long travail que cela représentait.

Certaines broderies ou certaines parties des broderies sont épaisses, ce qui ajoute un aspect encore plus riche à l’ouvrage.

Les broderies représentent un peu tous les sujets ou thèmes : des scènes religieuses, des saints, des anges, des scènes de chasse, des armoiries, des fleurs, des animaux…

Ces ouvrages luxueux n’étaient pas destinés (et ne le sont toujours pas) à être rangés debout, mais posés à plat. On pourrait penser qu’alors seul le premier plat (visible) aurait dû être brodé, mais presque toutes les anciennes reliures brodées le sont des deux côtés. Le dessous est  plus usé mais les couleurs plus fraîches et vice-versa. Les couvertures en velours ont mieux passé l’épreuve du temps comparées à celles en soie ou satin qui délicatement rebrodées de soie sont très fragiles.

Les couvertures les plus riches, les plus travaillées, les plus spéctaculaires sont la plupart du temps issues de bibliothèques royales ou de celles de riches personnages. Ils appartiennent aussi aux trésors des cathédrales et des églises. Vous pourrez en admirer dans certains musées, certains châteaux ou dans les bibliothèques qui possèdent ce genre de fond. On  ignore ce qu’il en est des collections privées.

Tous les ouvrages brodées ne sont pas là simplement pour montrer sa richesse, son bon goût ou pour leur l’aspect solennel, certains sont utilisés au quotidien tels les livres de messe (missels), les livres de poèmes… et pas extension le journal intime (surtout chez les jeunes filles)… La broderie est alors une simple personnalisation qui penche plus vers la mignonnerie que l’ostentatoire.

Le livre de poche ne date pas d’hier, cela fait plusieurs siècles que de petits ouvrages sont été conçus pour être  réellement  transportés une poche ou un réticule. On  trouve encore assez facilement parmi tous ces anciens ‘livres de poche » des petits ouvrages brodés (notamment du XIXe siècle) à des prix très abordables (par exemple, la période victorienne a été friande de ces livres brodées ou protégés par un tissu brodé).

Les couvertures brodées qui avaient totalement disparues réapparaissent depuis quelques décennies par le biais des travaux manuels (DIY en anglais) et des forums dédiés qui mettent en avant créativité de tous à travers la personnalisation des objets du quotidien ou de collection. Broder une couverture pour ses livres préférés, un livre d’or ou un journal n’est pas rare.

Il faut préciser qu’il existe aussi des couvertures amovibles brodées (nous reparlerons bientôt de ces couvertures de protection). Elles sont très à la mode actuellement dans la mouvance du fait-maison fait-main (DIY).

Quelques images

(les copyright des visuels appartiennent aux auteurs,)

Court dress
ca. 1750
British
Blue silk taffeta brocaded with silver thread
Purchase, Irene Lewisohn Bequest, 1965 (C.I.65.13.1aÐc)
photography by mma, Digital File DT253710.tif
retouched by film and media (jnc) 9_7_11

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LA CISELURE DES TRANCHES DES LIVRES ….UNE DECORATION ELEGANTE….

LA CISELURE DES TRANCHES DES LIVRES ….UNE DECORATION ELEGANTE….

Les images utilisées ont été trouvées sur le web. Le copyright appartient à leurs auteurs.

L’objet livre attire toutes sortes d’embellissements. Les tranches sont un espace qui se prête à de nombreux genres d’ ajouts décoratifs. L’un d’eux est particulièrement élégant, il s’agit de la ciselure des tranches.

 

Ce type d’ornement est  apparu la fin du Moyen Âge. D’abord assez rare, il est devenu  plus courant vers le milieu du XVIe siècle. C’est un ajout couteux, car le travail est long et minutieux. Cette décoration est sans doute apparue en raison de l’habitude  de ranger alors les livres à plat (ce qui est toujours conseillé pour certains ouvrages d’ailleurs…)

Le mode des  tranches ciselées déclina à la fin du XVIe siècle pour réapparaître au XIXe à la demande de bibliophiles et à la mode historiciste. Les relieurs de livres religieux en feront alors grand usage.

 La ciselure  se pratique sur les tranches avec ou sans dorure (mais le plus souvent dorées). Le livre est serré dans un étau ou une presse. Pour faire simple et expliquer en deux mots (car il y a plusieurs façons de faire) : un gabarit  posé sur la tranche est percuté par un petit instrument, on peut aussi trouver des ciselures réalisées au poinçon.

L’élégance du livre est souvent dû au contraste d’une couverture  sobre et d’une ciselure épurée. D’autres ciselures plus chargées témoignent de la dextérité de l’artisan. Les ciselures sont plus ou moins marquées, les motifs plus ou moins complexes et suivent le goût du jour.

En dehors des formes géométriques ou des formes stylisées, il existe des ciselures plus réalistes qui dessinent des personnages, des animaux, des fleurs, des motifs religieux… On y ajoute parfois de la couleur, un décor peint, des mots, des phrases..

 

En anglais on utilise  l’expression « gauffered edges ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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LE LIVRE EST COQUET…

LE LIVRE EST COQUET…

Le livre est un objet coquet qui ajoute à ses tenues variées (couvertures en cuir, tissu, incrustations diverses….), des accessoires tel le marque-page, l’ex-libris ou le fermoir. C’est ce dernier accessoire qui nous intéresse ici. 

Il y a quelque chose de mystérieux, de captivant, d’hypnotique, de magique dans un fermoir, ce mécanisme qui ferme un autre objet magique : le livre…Quels secrets protègent-ils ces petits bijoux en cuir, cuivre, étain, fer, laiton, argent, etc….. et parfois en or ou incrustés de gemmes ? Même le plus banal livre de lois prend l’allure d’un grimoire plein de merveilles…

Faisant suite au volumen, l’ancêtre du livre moderne –  en Occident – est le codex constitué d’un assemblage de  planchettes  de  bois couvertes de cire qui seront, petit à petit, remplacées par du  papyrus et du parchemin par les Romains au  IIe siècle avant l’ère commune. Vers la fin du premier siècle, les  premiers livres, avec ce que l’on peur appeler les premières reliures, prennent leur essor.

 

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Dès le Moyen Âge  l’habitude d’ajouter des fermoirs aux reliures est prise.  Au début de l’apparition des livres, les ouvrages (manuscrits) étaient rangés couchés, les fermoirs servaient autant  à maintenir la reliure qu’à un usage décoratif.  Les fermoirs fabriqués par les ferronniers et les forgerons étaient gravés par les ciseleurs, les orfèvres….,recouvert de cuir par les cordonniers, de simples lanières furent aussi en usage.  Les livres sont alors encore rares et très précieux. A partir du XVIe siècle, les livres se multipliant (les caractères mobiles et le papier  sont passés par là depuis un moment…), on les rangea debout, sans fermoir. Les fermoirs continuèrent cependant à orner les ouvrages religieux, les beaux livres que commandaient les riches personnages, les  ouvrages épais qu’il fallait à tout prix maintenir fermer. L’histoire des fermoirs est complexe avec ses périodes fastes et les autres…

 

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Depuis une quarantaine d’années, le goût pour le médiéval  (à travers les fêtes) et la fantasy a donné un regain de prospérité populaire  à ce bel objet qu’est le fermoir, le faisant sortir de la sphère des bibliophiles, des collectionneurs et des reliures d’art.

L’histoire des fermoirs fait partie de l’histoire de la reliure, une histoire longue et passionnante que tout amoureux des livres devraient explorer….(tout comme l’histoire du papier….)

Nous nous contenterons ici de quelques images, du simple fermoir au plus travaillé…. Anciens ou modernes, voici de petits bijoux pour livre coquet….A vous d’aller plus loin, si l’objet vous séduit…

Les photos appartiennent à leurs créateurs, la plupart des images ont été trouvées sans nom d’auteur. Le copyright est à eux, bien entendu…

 

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BIBLIOTHEQUES MERVEILLEUSES…

Vaste bibliothèque imaginaire ou  bibliothèque-bureau intime et confortable…. des lieux dont tous les amoureux des livres aimeraient franchir la porte (quand il y en a encore une)…Quelques images sur ces thèmes

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UN LIVRE DU XVIe SIECLE ET SES INGéNIEUX FERMOIRS…

UN LIVRE DU XVIe SIECLE ET SES INGéNIEUX FERMOIRS…

Ce grimoire dos-à-dos regroupe en réalité six livres. Cet ouvrage appartient à la Bibliothèque nationale de Suède à Stockholm. Il pourrait avoir été lié et imprimé en Allemagne entre 1550 et 1570. Les six parties peuvent se lire indépendamment les unes des autres grâce à un ingénieux système de fermoirs métalliques. Les textes proposés sont religieux  dont Der kleine Catechismus de Martin Luther.

Site de la Bibliothèque : http://www.kb.se/hjalp/other-languages/francais/

Voici quelques photos de ce bel objet diffusées par la Bibliothèque Nationale de Suède.

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LA FETE DE NORMANDS…26, 27 et 28 SEPTEMBRE…

LA FETE DE NORMANDS…26, 27 et 28 SEPTEMBRE…

C’est tout jeune  (2ème année) et c’est une excellente idée. Ce grand événement régional s’attache à faire redécouvrir notre patrimoine et toutes les créations en cours ou futures sur le territoire de notre région exceptionnellement riche en Histoire et en potentiel.

Tout ce que vous voulez savoir sur cette manifestation est ici : http://fetedesnormands.com/

Vous y trouverez des affiches et tracts à imprimer pour aider à la promotion. (Différents formats en trois langues)…

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NOUS SERONS FERMéS LE DIMANCHE 06 JUILLET 2014…

NOUS SERONS FERMéS LE DIMANCHE 06 JUILLET 2014…

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Vous seront proposés des bijoux en étain et de la céramique, ainsi qu’un petit coin brocante.

Pendentif tête de viking. Médaille en étain trempée dans un bain d'argent.

Pendentif tête de viking. Médaille en étain trempée dans un bain d’argent.

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Pendentif en étain. Série limitée.

Plusieurs modèles de bijoux sur le thème du DDAY, tous en séries limitées.

Nos objets sont tous fabriqués en France par des artisans et artistes déclarés.

 

 

 

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NOUS PARTICIPONS A LA MEDIEVALE DE BAYEUX LES 05 ET 06 JUILLET 2014…

NOUS PARTICIPONS A LA MEDIEVALE DE BAYEUX LES 05 ET 06 JUILLET 2014…

Depuis plusieurs années, PETITS OBJETS DE COMPAGNIE participe à la fête médiévale de Bayeux. Cette année, nous vous invitons à nous rencontrer près de l’arbre  de la Liberté. Nous vous  proposerons les bijoux en étain d’un artisan d’art, des objets musicaux en céramique, une petite brocante et quelques surprises.

Vous y trouverez toutes les informations concernant la LITTLE FREE LIBRARY, notre bibliothèque entièrement gratuite qui récolte les dons de livres (récents ou anciens) pour les redistribuer gratuitement et/ou à travers un système d’échange.

Pendentif tête de viking. Médaille en étain trempée dans un bain d'argent.

Pendentif tête de viking. Médaille en étain trempée dans un bain d’argent.

SIFFLET A EAU en forme d'oiseau inspiré d'un modèle ancien.

SIFFLET A EAU en forme d’oiseau inspiré d’un modèle ancien.

 

Ci-dessous, des photos promotionnelles des compagnies qui animerons la fête.  Photos téléchargées sur le site de notre mairie.

 

« L’hospice ambulant » par la Compagnie Sembadelle

photo Cie Sembadelle

« Flammes tribales » par la Compagnie Zoolians

photo Guidu

Compagnie Faï

photo Séraf

La Confrérie Normande

photo Vemundr

Le Clan du Vestfold

photo Cie Vestfold

 

 

 

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photo N. Pillard

 

 

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EXPO 2014 : LES BIJOUX SUR LE THEME DU D-DAY SONT DISPONIBLES ! JEWELS ON THE SUBJECT OF THE D-DAY ARE AVAILABLE!

EXPO 2014 : LES BIJOUX SUR LE THEME DU D-DAY SONT DISPONIBLES  ! JEWELS ON THE SUBJECT OF THE D-DAY ARE AVAILABLE!

LA PREMIERE EXPOSITION – VENTE de l’année est enfin ouverte chez PETITS OBJETS DE COMPAGNIE.

Vous y trouverez les bijoux de monsieur Mir. Orfèvre de profession, reconnu Artisan d’Art, notre artiste est bien connu, depuis une trentaine d’années, des amateurs d’Histoire en raison de la qualité de ses copies de bijoux anciens et de ses créations sur des thèmes aussi variés que l’époque médiévale, les Templiers, la chasse, l’héraldique, les thèmes celtes, vikings, la franc-maçonnerie, la Renaissance, la féérie….

Ses bijoux sont dessinés et fabriqués à Paris dans le XVe.

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Pour célébrer le 70e anniversaire du Débarquement, une gamme de bijoux a été spécialement conçue. Ils sont édités en séries limitées et sont d’or et déjà du domaine du « collector ». Ils sont d’autant plus rares que les produits Made in France vendus en cette période de commémoration sont, eux-aussi, rares…

Ces bijoux en étain sont déclinés sous formes de pendentifs, boucles d’oreilles, bracelets, porte-clefs, pin’s, etc.

L’originalité de cette exposition-vente est que vous aurez le choix entre des bijoux déjà montés ou celui de sélectionner les éléments de votre futur bijou que nous monterons immédiatement devant vous (en collier, en bracelet, en boucles d’oreilles, en porte-clef…)

A partir de cinq euros, vous pourrez vous offrir un authentique souvenir.

Mais laissons parler les photos…

(Tous les modèles n’ont pas été photographiés)

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The first exhibition (and sale) of the year is open at PETITS OBJETS DE COMPAGNIE, 50, rue Saint-Malo, Bayeux (open only on Sunday from 2pm to 6pm).
You will find mister Mir’s jewels there. Silversmith of profession, recognized creative craftsman, our artist is well known by the History lovers because of the quality of his copies of ancient jewels and his creations on themes so varied as the medieval period, the Knight Templars, hunting, heraldry, Celtic themes, Vikings, the freemasonry, the Renaissance, the enchantment….
These jewels are designed and made in Paris in the XVth.
To celebrate the 70th anniversary of the Landing, a range of jewels has been specially designed. They are edited serial limited and are already  collector.These jewels are made in pewter an declined under forms of pendants, earrings, bracelets, key ring, pin’s , etc.
(taken)
You can, on the spot, choose between an already gone up jewel or select the charms of your future jewel which we shall make immediately in front of you (necklace,  bracelet,  earrings,  door-key)
From five euros you can offer yourselves an authentic souvenir, creates and made in France
But let speak the pictures !
La première série représente les plages du Débarquement :  First range is about the Landing beaches.
JUNOPOC
UTAHPOC
SWORDPOC

 

 

 

 

 

 

GOLDPOC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Les cartes de France – Maps of France

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DDAYCOLLIERPOC

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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SHAKESPEARE ET LES PATHOLOGIES …

SHAKESPEARE ET LES PATHOLOGIES …
Dans les pièces de Shakespeare, tout est d’une précision diabolique. Que ce soit le vocabulaire technique, les parlures, les descriptions, Will s’y montrait érudit… Peut-être avait-il accès à de la documentation étendue qu’il alliait à un sens aiguë de l’observation… La psychologie de ses personnages montrent une connaissance particuliérement pointue de l’âme humaine et de ses désordres. Voici un texte sur le sujet,  paru en 1876. L’orthographe d’époque est respectée.
La psychologie médicale dans les drames de Shakspeare
E. Onimus

 

Tout semble avoir été dit sur Shakspeare. Depuis des siècles déjà, chez tous les peuples, la critique aurait épuisé ses recherches sur le poète et sur le philosophe, si un tel sujet n’était de sa nature inépuisable. Cependant le côté scientifique de cette vaste et puissante intelligence, la profondeur et la finesse de ses intuitions psychologiques, si j’ose le dire, la pénétration et la justesse de son coup d’œil d’aliéniste, n’ont guère été encore étudiés. Des médecins anglais et américains, M. Bucknill et M. Kellog surtout, ont naguère appelé l’attention sur la singulière exactitude des observations et de la science intuitive de Shakspeare dans le domaine des maladies mentales. Ces médecins se sont presque uniquement occupés des personnages atteints d’aliénation mentale ou simulant la folie ; tous ont admiré avec raison la science de Shakspeare et l’exactitude vraiment étonnante avec laquelle il a décrit cette maladie. Ce n’est pas seulement dans l’étude de la folie que Shakspeare se montre observateur profond ; il a su, presque dans chacun de ses drames, interpréter scientifiquement les troubles de nos sens et ceux de notre cerveau. Comment le poète qui a si bien connu l’humanité, qui a scruté si avant le cœur de l’homme, qui en a exprimé les passions avec une vie aussi intense, n’aurait-il pas été un grand psychologue, possédant toutes les qualités du véritable savant ? Aussi, parmi les auteurs dramatiques, nul n’a poussé plus loin la connaissance des phénomènes de cet ordre, le sentiment intime des rapports de nos sensations et de nos idées. Il a dépeint en médecin l’homme tel que la nature l’a créé, jouet inconscient de son tempérament et de son organisation physique. A cet égard, il est arrivé à une telle justesse d’observation qu’aujourd’hui même, et malgré les progrès de la science, on ne saurait décrire plus rigoureusement qu’il ne l’a fait certains symptômes de la folie, les troubles de nos sens et la plupart des phénomènes de l’hallucination. C’est sous ces différens aspects que nous nous proposons d’examiner successivement les principales créations de Shakspeare,

 

image048I« Mon père ! Il me semble que je le vois par l’œil de mon âme, » dit Hamlet à Horatio, donnant ainsi en quelques mots la définition la plus courte et la plus exacte de l’hallucination. Aucun ouvrage spécial n’a mieux dépeint les phases et les conditions de ces illusions sensorielles que le monologue de Macbeth : « Est-ce un poignard que je vois devant moi, le manche tourné vers ma main ? Viens, laisse-moi te saisir ; je ne te tiens pas, et cependant je te vois toujours. Fatale vision, n’es-tu donc pas sensible au toucher comme à la vue ? ou bien n’es-tu qu’un poignard imaginaire, la fausse création d’un cerveau opprimé par la fièvre ? Je te vois encore et sous une forme aussi palpable que le poignard que je tiens maintenant. C’est d’un instrument tel que toi que j’allais me servir ; mes yeux sont devenus les fous des autres sens, ou bien ils ne valent pas mieux que les autres… Je te vois toujours, et sur ta lame et ta poignée sont des gouttes de sang qui n’y étaient pas auparavant. Il n’existe rien de pareil, c’est cette entreprise sanguinaire qui fait surgir cette vision devant mes yeux. » Toute la théorie de l’hallucination se trouve indiquée en ce passage. Remarquons d’abord que cette vision, la première qu’ait elle Macbeth, est parfaitement reconnue et analysée par lui, tandis que plus tard il ne saura plus reconnaître son erreur au moment même où se produira l’hallucination. Cette gradation psychologique est celle qu’on observe chez la plupart des malades : dans les premiers temps, ils se rendent compte de l’illusion de leurs sens, mais bientôt ils ne savent plus discerner leurs impressions fausses de celles qui sont vraies.

Que nous sommes loin ici du merveilleux de la plupart des auteurs, de ces apparitions invraisemblables et souvent ridicules qu’ils introduisent sans raison ! A la lecture, la beauté de ces détails se fait peut-être moins sentir ; mais, lorsqu’on a l’occasion d’assister à des représentations de Macbeth et d’Hamlet, on est vivement frappé de la vérité des situations où intervient le merveilleux. Dans la plupart des drames anciens ou modernes, spectres et ombres n’apparaissent que comme des moyens commodes d’émouvoir le spectateur ; souvent ils remplissent un rôle secondaire et ne servent qu’à mener l’action, comme dans les féeries ordinaires. Dans Shakspeare au contraire, la scène est vraie ; c’est bien une hallucination telle qu’elle devait forcément se produire d’après toutes les données de la psychologie. Plus d’intervention d’un merveilleux factice ; c’est le merveilleux réel, si l’on peut dire, tel que le crée le cerveau de l’homme en proie à la fièvre ou aux passions. C’est cette réalité qui fait de Shakspeare le plus dramatique et le plus puissant des poètes. Lorsque le spectre de Banquo apparaît à Macbeth, notre impression est d’autant plus forte que le spectre n’est visible que pour Macbeth. Comment mettre mieux en évidence à la fois les troubles de l’âme et le supplice moral du criminel ? Étant donné le tempérament de Macbeth, cette nature où l’on trouve un mélange si bizarre de courage et de superstition, de férocité et de pusillanimité, les illusions sensorielles devaient se produire fatalement et au moment précis où les place le poète.

Par quel effort de génie, par quelle intuition mystérieuse Shakspeare, à une époque où médecins et public croyaient encore que les affections nerveuses dépendaient de puissances occultes, est-il arrivé à se débarrasser complètement de ces préjugés et à indiquer la vraie cause de ces maladies ? Ces affections, les plus compliquées et aujourd’hui encore les plus difficiles à bien reconnaître, ont toujours eu le privilège d’étonner, de terrifier même ceux qui on étaient témoins. Les manifestations de ces maladies prêtent singulièrement à la croyance à des êtres surnaturels, comme l’a fait remarquer M. Maury dans son livre de la Magie et de l’Astrologie ; l’agitation des malades, leurs visions, les cris qu’ils poussent, les paroles étranges qu’ils prononcent, leurs mouvemens incohérens, leur aspect souvent effrayant, tout cela semble l’effet d’une puissance étrangère qui les domine et les subjugue. Le malade perd visiblement dans ces crises sa liberté et sa raison ; il éprouve un sentiment d’oppression et de constriction, et semble lutter contre un être invisible qui a pris possession de son corps. Si, à l’époque où vivait Shakspeare, quelques-unes des plus simples et des plus communes de ces affections nerveuses avaient déjà été reconnues, la croyance au surnaturel trouvait encore un aliment dans la plupart de ces phénomènes. Comment s’en étonner, puisque aujourd’hui même ce penchant invétéré au merveilleux est si vivace qu’à chaque instant on le voit reparaître sous de nouvelles formes ?

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Dans les drames shakspeariens, nous aurons toujours à signaler l’exactitude des considérations médicales ou psychologiques ; mais c’est surtout au point de vue des hallucinations que l’analyse de ces œuvres présente un intérêt de premier ordre. Avant tout, il convient de rappeler en quelques mots les faits principaux qui accompagnent ces sortes d’affections. L’hallucination est un trouble de l’intelligence qui fait croire à la réalité de choses qui n’existent point. Sous l’influence d’émotions vives, d’une grande excitation cérébrale, notre âme crée des images sensorielles subjectives que nous prenons pour des formes réelles, et ces représentations internes sont constituées par de véritables images extérieures, comme celles que produisent les objets devant « l’œil vivant et ouvert, » selon l’expression de Burdach. Ces images subjectives ont pour l’halluciné absolument la même réalité que les perceptions qui lui viennent du monde extérieur. Cela se comprend de reste, car nous sommes habitués à nous en rapporter aux impressions et aux indications de nos sens, et toute notre éducation intellectuelle résulte de cette relation entre l’activité des sens et la perception ; la conscience en effet ne connaît le monde que par l’intermédiaire des impressions transmises par les nerfs sensuels. A l’état ordinaire, ces impressions répondent à un objet réel, mais dans certains cas anormaux, et c’est là justement ce qui constitue l’hallucination, les impressions naissent spontanément et sans cause extérieure ; elles sont perçues cependant par notre cerveau tout comme les premières, sans qu’il soit alors possible de distinguer ce qui est la vérité de ce qui est l’illusion. Notre conscience est relativement au monde extérieur comme un individu enfermé dans une chambre et qui ne connaîtrait ce qui se passe au dehors qu’au moyen de signaux spéciaux du dehors au dedans. On peut la comparer à l’employé d’un bureau télégraphique qui n’apprend ce qui se passe au bureau expéditeur que par les indications de l’aiguille aimantée. Au signal convenu, il croit à la réalité du fait indiqué, que la transmission ait eu lieu en réalité ou par accident. Il existe de même dans notre organisme un appareil expéditeur qui est représenté par les nerfs périphériques, et un appareil récepteur, le cerveau, où l’impression est sentie et comme enregistrée. Quand les nerfs périphériques transmettent une excitation, l’impression est réelle, et l’idée exacte ; lorsqu’au contraire il n’y a aucune action extérieure et que l’idée est provoquée par l’activité spontanée, mais anormale, de nos appareils internes, l’idée devient erronée et donne lieu à une hallucination.

En effet, ce qui est impossible à réaliser pour les instrumens physiques, c’est-à-dire la spontanéité et l’indépendance des appareils récepteurs et enregistreurs, existe au contraire pour les organes vivans qui remplissent ce rôle. Nos cellules nerveuses cérébrales, qui reçoivent les impressions des nerfs périphériques, non-seulement entrent en fonction lorsqu’elles y sont sollicitées par une excitation venue de ces nerfs, mais elles peuvent encore entrer en activité d’elles-mêmes, sans la moindre impression externe. Or la conscience ne connaît que ce qui se passe dans ces cellules, elle n’a aucune relation directe avec les appareils périphériques, et de toute nécessite elle admet comme vrai et réel ce que les centres nerveux lui indiquent. Si les hallucinations dépendent de l’activité anormale de nos sens internes, on comprend que les excitations cérébrales les plus vives sont seules capables de les produire ; il faut que tous nos sens soient troublés en même temps, afin qu’aucun ne puisse contrôler l’erreur des autres, et pour cela il est nécessaire, en dehors des cas pathologiques, que notre intelligence tout entière soit envahie et dominée par une seule et même idée.

Les circonstances qui favorisent la production de ces troubles intellectuels sont, en même temps qu’un esprit faible et facilement impressionnable, la frayeur, l’exaltation des passions, la solitude, l’obscurité. Chez les malades atteints d’affections cérébrales, l’hallucination est chose commune ; dans le cerveau sain, il faut, pour qu’elles se manifestent, tout un ensemble de conditions dont Shakspeare, surtout dans Macbeth, nous offre une étude très complète.

Shakspeare a commencé par nous montrer un soldat vaillant, mais dont l’âme crédule est dominée par une femme. Ambitieux et cruel, il demeure indécis, « laissant le je n’ose pas accompagner le je voudrais, » Lady Macbeth au contraire est d’une rare puissance de volonté ; son audace, sa froide résolution est inaccessible à la pitié. Ce n’est qu’aux heures du sommeil, quand sa volonté est absente, que ses sens et ses terreurs reprennent le dessus ; éveillée, elle redevient calme, et méprise alors avec une superbe ironie les hallucinations de son mari. Macbeth n’est pas un criminel fait d’une seule pièce ; ce n’est que peu à peu et par les côtés les plus vulgaires de la nature humaine que l’ambition et la convoitise entrent dans son âme. Ses succès à la guerre le gonflent d’orgueil ; aussitôt une vanité puérile, si commune chez les héros barbares, s’empare de tout son être ; c’est le moment que choisissent les sorcières pour le saluer thane de Cawdor et roi. N’est-ce pas l’histoire de bien des chefs d’armée ? Que de capitaines, jusque-là honnêtes et loyaux, sont devenus des ambitieux sans scrupule dès qu’ils ont acquis un peu de gloire et de puissance ! Que de généraux victorieux ont entendu dans l’exaltation du triomphe des voix intérieures qui leur criaient : « Tu pourrais être roi ! » A partir de cette heure, eux aussi ont été capables de tout.

Un criminel de sang-froid, Shakspeare le sait, n’aurait aucune hallucination ; il accumule toutes les circonstances favorables à l’éclosion du trouble : la peur, le réveil de la conscience et de la reconnaissance, l’obscurité, l’isolement. Avant le crime, Macbeth est seul dans une vaste salle, Banquo vient de le quitter ; il lui a fait connaître les nouveaux bienfaits du roi, il lui a parlé de loyauté et de vertu. L’obscurité et le silence se font tout à coup. Au milieu des pensées qui assaillent son esprit de toutes parts, une seule finit par le dominer, c’est la promesse qu’il vient de faire à sa femme. Il va plonger son poignard au cœur de son bienfaiteur et de son roi ; il s’est assuré de son arme. C’est alors qu’il voit devant lui un poignard « tel que celui dont il allait se servir. » Rien de plus vrai que cette scène. Shakspeare pourtant n’a pas voulu que la raison perdît si vite tous ses droits : Macbeth cherche à vérifier l’erreur du sens de la vue par le sens du toucher, et il se rend lui-même un compte exact de cette vision, qui n’est que « la fausse création d’un cerveau opprimé par la fièvre. » Aussitôt la vision disparaît, mais l’excitation cérébrale persiste. C’est là encore une observation pleine de justesse, car les paroles que prononce Macbeth en cet instant sont toutes d’exaltation et presque de délire.

Au moment du meurtre, le trouble de l’esprit est extrême ; mais ce ne sont plus que des hallucinations de l’ouïe qu’il n’ose rectifier, tant son être tout entier est bouleversé : il a la gorge serrée ; ses mains crispées retiennent les poignards qu’il aurait dû laisser dans la chambre, il oublie de se laver les mains, le moindre bruit l’effraie, tout l’épouvante, et c’est au milieu de ces angoisses qu’il entend les voix crier à travers toute la maison : « Ne sommeille plus ! Macbeth tue le sommeil ! » Ici encore rien n’est forcé, rien n’est exagéré, l’hallucination arrive naturellement et au moment précis.

Toutefois, en dépit de ces troubles de son esprit, Macbeth est un simple criminel ; ce n’est pas un malade, il n’est atteint d’aucune affection mentale, et Shakspeare a si bien saisi cette nuance qu’il ne lui prête aucun penchant bizarre, aucune anomalie de l’intelligence ; ce n’est que dans des circonstances extraordinaires que les troubles des sens reparaissent. Il ne voudrait pas le rendre inconscient de ses actes, et montrer son intelligence aux prises avec des symptômes morbides ; ce ne sont que des rêves qui l’agitent quand il est endormi ; lorsqu’il est éveillé, il semble avoir puisé dans le meurtre une nouvelle énergie virile. C’est lui maintenant qui médite l’assassinat de Banquo, il a tué, il faut qu’il tue encore ; mais il n’hésite plus, il n’a plus de remords, il a banni tous ses scrupules, et n’aspire désormais qu’à trouver la sécurité dans de nouveaux crimes.

La plupart des critiques nous semblent s’être trompés en prêtant à Macbeth, après le meurtre du roi, des sentimens de remords. Au contraire il désire uniquement profiter de son crime ; il s’en applaudirait presque, s’il se croyait assuré de conserver la couronne. Plus de sentimens humains dans son cœur, sa conscience est morte, ce n’est plus l’horreur de son meurtre qui pourra ébranler son cerveau et amener une hallucination, c’est l’insuffisance du crime. Dès qu’il apprend que le fils de Banquo a échappé aux meurtriers, son esprit se trouble, et le délire des sens apparaît : « Sans cela, j’aurais été en repos absolu, entier comme le marbre assis comme le rocher, libre et sans plus d’entraves que l’air ambiant tandis que maintenant je suis enragé, enfermé, emprisonné, enchaîné dans des doutes et des effrois insolens. » Au moment même où il prononce ces paroles apparaît le spectre de Banquo, et tandis qu’après l’assassinat du roi il s’était écrié : « Il vaudrait mieux pour moi ne pas me connaître que de connaître l’acte que j’ai commis. Oh ! si Duncan pouvait se réveiller ! .. » maintenant, dès que l’apparition a disparu, ses premiers mots sont : « Cela voudra du sang, le sang appellera le sang, » et il arrête aussitôt dans son esprit le meurtre de Macduff.

Le génie de Shakspeare pouvait seul varier d’une façon aussi exacte les causes, de l’hallucination chez un individu médicalement sain. Combien sa conception est plus élevée que celle que lui ont prêtée certains critiques ! Macbeth a beau étouffer la voix de sa conscience, s’endurcir dans le crime, et n’avoir plus à redouter les angoisses du remords : il ne peut se soustraire aux tempêtes de l’âme, aux tortures morales qu’amènent les troubles des sens et de l’intelligence.

L’apparition du spectre de Banquo est encore accompagnée d’une grande excitation cérébrale, et ce détail n’est pas moins remarquable que le soin qu’a eu Shakspeare de ne rien ajouter qui dépasse les phénomènes ordinaires de ces perturbations intellectuelles. Le poignard est pareil à celui que Macbeth tient à la main ; le spectre de Banquo n’offre aucune forme étrange, surtout il ne prononce aucune des paroles que les auteurs dramatiques ont l’habitude de prêter aux fantômes. Il est muet, immobile, le visage sanglant, car Macbeth vient d’apprendre que Banquo a reçu vingt blessures énormes à la tête, et il a vu à l’instant du sang au visage du meurtrier. En effet, les impressions vives qui ont eu lieu récemment à l’état normal reparaissent presque toujours pendant l’hallucination, de même que dans le rêve on retrouve les impressions qui se sont produites quelque temps auparavant, pendant l’état de veille. Il est donc naturel que le spectre de Banquo apparaisse à Macbeth couvert de sang, d’autant plus que Shakspeare a eu soin non-seulement d’en provoquer l’idée par le récit du meurtrier, mais de déterminer une impression physique par les taches de sang qui lui couvrent le visage.

Le tempérament de Macbeth était bien choisi pour la production des hallucinations ; celui de lady Macbeth au contraire ne prête qu’à des accès de somnambulisme. Il y a une différence considérable entre ces deux formes de vésanies. Les hallucinations résultent du jeu de l’imagination, des émotions violentes, de l’excitation excessive du système nerveux, avec un manque d’équilibre cérébral. Le somnambulisme est un acte machinal, passif, dans lequel le cerveau proprement dit n’intervient que très faiblement ; c’est toujours la répétition inconsciente de choses faites pendant la veille, le corps et les sens agissant mécaniquement tandis que la volonté et la raison dorment. Le somnambulisme est un simple phénomène réflexe, c’est-à-dire qu’il se produit de lui-même sans que l’intelligence y participe ; c’est le jeu régulier des sens violemment affectés qui continue d’une manière automatique. Aussi, comme pour mieux indiquer que les troubles intellectuels de lady Macbeth ne sont pas les mêmes que ceux de son mari et pour marquer qu’ils n’ont rien d’incompatible avec son énergie morale, sa férocité froide et lucide, Shakspeare fait dire au médecin : « J’en ai connu qui se promenaient dans leur sommeil et qui sont morts saintement dans leur lit. »

Dans tous les cas, ce sont surtout les impressions des sens qui prédominent dans le somnambulisme, et les passions ne peuvent agir que comme cause prédisposante. La description minutieuse du somnambulisme de lady Macbeth est de tous points en harmonie avec les données de la science ; elle n’a ni délire, ni idée proprement dite, elle ne fait que se souvenir ; ce ne sont pas ses pensées ou ses impressions morales qu’elle évoque, c’est l’impression toute physique de ses sens. Comme chez son mari, ce n’est pas le remords personnel et conscient qui agite lady Macbeth, c’est pour ainsi dire le remords fatal et organique. Ils sont tous deux trop criminels pour se repentir et comprendre l’énormité de leur faute : ils arriveraient peut-être alors à exciter la pitié et la compassion du spectateur ; mais, à défaut de conscience, l’ordre naturel des événemens et les seules lois de l’organisme vont amener forcément leur châtiment. Chez l’un, le cerveau se congestionne, le sommeil disparait, la surexcitation cérébrale et la fièvre sont continues et il meurt en proie à d’indicibles rages ; dans l’autre, les troubles organiques sont moins apparens et moins fébriles, mais le système nerveux se fatigue à la fin par excès d’énergie et de dépense, les impressions violentes, un instant contenues, n’en ont pas moins été ressenties, et cette influence agit lentement, mais constamment : c’est un foyer permanent et indestructible qui mine le corps peu à peu et chaque jour gagne du terrain. Chez l’un, c’est la fièvre du cerveau, chez l’autre l’action passive et lente des actes réflexes cérébraux.

Lorsque lady Macbeth revient de la chambre où Duncan a été tué, après avoir frotté de sang les visages des deux valets, elle reproche à son mari ses terreurs à la vue de ses mains couvertes de sang. « Mes mains sont de la couleur des vôtres, mais je serais honteuse de porter un cœur si blanc. — Un peu d’eau vous lavera de cet acte : combien la chose est facile alors ! » En parlant ainsi, elle devait sentir le sang tiède se coaguler sur sa peau, rider et serrer l’épiderme, engluer ses doigts et en embarrasser tous les mouvemens. Quiconque s’est trouvé dans le cas d’avoir du sang chaud sur les mains se rappelle la sensation désagréable que donne cette coagulation. C’est cette impression qui revient à lady Macbeth dans son somnambulisme ; elle se frotte les mains comme pour redonner à la peau sa souplesse et sa netteté, car la tache de sang irrite l’épiderme et produit une sorte de démangeaison. Ce n’est pas non plus un peu d’eau qui enlève aussitôt toute trace de sang ; sa couleur rouge se trahit longtemps dans les plis de la peau, sous les ongles, et, quand tout est bien lavé, l’odeur subsiste encore pendant bien des heures. Longtemps après le meurtre, lady Macbeth a dû retrouver sur sa main l’odeur du sang, cette odeur si caractéristique qu’elle est même spéciale d’un animal à l’autre. Plus tard, sans doute bien souvent, sa pensée a dû se reporter involontairement à ces sensations, la faire tressaillir d’horreur et de dégoût. Ce sont ces impressions toutes physiques des sens, du toucher, de la vue et de l’odorat, qui réapparaissent d’une manière inconsciente, pendant ses accès de somnambulisme, alors que sa volonté est endormie. Qu’ils sont vrais, ces cris entrecoupés : « qui aurait cependant pensé que ce vieillard avait tant de sang ? Quoi ! ces mains ne seront donc jamais propres ? Il y a toujours là l’odeur du sang ! » et comme tous les détails sont en harmonie : la lumière, que garde toujours à côté d’elle lady Macbeth parce que rien ne contribue autant que l’obscurité à augmenter les terreurs, — la promenade silencieuse, — le retour direct au lit les yeux fixes grands ouverts, mais ne percevant aucune sensation lumineuse ! Cette dernière observation est également des plus exactes, car beaucoup de somnambules ont les yeux ouverts ; Magenlie a même remarqué que la vue ne s’exerce chez eux que sur les objets qui ont trait à l’action dont ils sont occupés, et que la rétine reste insensible à la plus vive lumière éclairant un objet étranger à leur préoccupation. Après le drame de Macbeth, celui d’Hamlet offre les observations les plus dignes d’être notées. Dans la première apparition du fantôme, il n’y a pas précisément un cas d’hallucination ; d’autres qu’Hamlet ont vu le même fantôme, et maints détails semblent favorables à la réalité de l’apparition. Que l’intérêt du drame gagne ou non à cette mise en scène, qu’il fût ou non nécessaire qu’Hamlet n’eût aucun doute sur la réalité de cette vision, c’est ce que nous n’avons pas à examiner ici. Toutefois ce n’est qu’à contre-cœur et comme malgré lui que Shakspeare renonce un instant à tout expliquer par les phénomènes naturels de l’hallucination. Dès le commencement, il nous montre Hamlet mélancolique, porté au suicide, obsédé de visions, car il lui semble voir « l’image de son père par l’œil de son âme. » Pour mieux marquer qu’il n’y a rien de surnaturel dans cette apparition, il nous fait assister aux hésitations du prince danois, qui craint même un instant d’avoir été le jouet de ses sens.

C’est au milieu d’une froide et sombre nuit, quand on entend au loin l’orgie du roi criminel, que le fantôme apparaît. Quoique philosophe et sceptique, Hamlet ne cherche point à redresser l’illusion de ses sens ; comme le remarque Horatio, dès les premiers instans « le délire s’est emparé de son imagination. » A mesure que l’hallucination envahit l’esprit d’Hamlet, l’excitation cérébrale augmente, et elle se prolonge encore longtemps après ; ce n’est évidemment que sous l’influence d’une exaltation considérable qu’il s’écrie : « Bien dit, vieille taupe, comment peux-tu travailler si vite sous terre ? » Plus Hamlet. avance, plus le fantôme fuit devant lui. Il s’arrête alors : « Où veux-tu me conduire ? Parle, je n’irai pas plus loin. » Rien de plus juste ; la plupart du temps la vision semble s’éloigner à mesure qu’on marche vers elle. J’ai sous les yeux la relation d’un cas semblable : un halluciné, croyant voir une figure près de son lit, se lève, la vision lui apparaît alors près de la porte de sa chambre ; il la suit, mais plus il approche, plus la vision fuit, et dans le corridor, et sur l’escalier, et jusqu’à la porte de la maison. Arrivé là, le malade se rendit enfin compte de l’illusion de ses sens.

La seconde vision d’Hamlet [1] a tous les caractères de l’hallucination réelle ; la reine en effet ne voit pas le fantôme, et elle en indique elle-même la cause quand elle parle de « cette apparition sans corps, qui est une de ces œuvres que le délire est puissant à produire. » Hamlet répond comme tous les hallucinés : « Le délire ! Mon pouls bat avec la même régularité que le vôtre et chante la même musique de santé. Ce n’est point la folie qui m’a fait parler ; mettez-moi à l’épreuve, et je répéterai la chose mot pour mot. » C’est le raisonnement de tous les malades de ce genre : ils ne comprennent pas qu’on n’ajoute point foi à ce qu’ils croient voir et entendre. Comme Hamlet, ils demandent qu’on les mette à l’épreuve, car ils voient, sentent, entendent réellement ; ils ne croient pas simplement voir, entendre et sentir, et si l’on veut combattre leurs illusions par des raisonnemens, ils vous répondent comme répondait un malade au docteur Leuret : « J’entends des voix parce que je les entends. Comment cela se fait-il ? Je n’en sais rien ; mais elles sont pour moi aussi distinctes que votre voix, et si vous voulez que j’admette la réalité de vos paroles, laissez-moi croire aussi à la réalité des paroles qui me viennent je ne sais d’où, car la réalité des unes et des autres est également sensible pour moi. » Cette foi profonde dans la réalité de l’hallucination existe surtout chez l’halluciné malade ; elle se rencontre plus rarement chez les individus qui n’ont que des hallucinations passagères. Ainsi Macbeth, dans sa première vision, se rend parfaitement compte de l’erreur de ses sens ; dans la seconde, il ne sait pas distinguer son erreur pendant qu’elle existe, mais, dès qu’elle a disparu, il en reconnaît la cause. Il en est de même pour l’hallucination de Brutus dans le drame de Jules César. Il n’existe en effet chez ces personnages que des troubles passagers d’une intelligence d’ailleurs saine ; l’équilibre physiologique se rétablit bientôt, d’autant plus que tous deux sont des hommes énergiques qui ne se livrent guère aux rêves de l’imagination. Hamlet est d’une tout autre nature ; il a de longues rêveries mélancoliques, et, comme il le dit lui-même, les illusions ont une grande puissance sur son âme. Une cherche jamais à démêler le vrai de ses visions, il les affirme, et loin de croire à une illusion de ses sens, il accuse les autres de ne pas voir ou de ne pas entendre ; lorsque sa mère lui dit qu’il n’y a pas de spectre dans la salle, il s’écrie : « Mais, regardez donc là ! Regardez de quel pas il s’éloigne ! Regardez, le voici qui à ce moment même passe la porte ! » Quelle variété dans ces scènes, et comme Shakspeare décrit toutes les formes d’hallucination selon le tempérament de ses personnages ! Le drame entier d’Hamlet offre une étude psychologique des plus intéressantes ; à notre point de vue, demandons-nous d’abord, pour employer une expression médicale, quel est le diagnostic de l’organisation d’Hamlet. Est-ce un mélancolique qui bientôt va être saisi par la folie ? Est-ce un tempérament pathologique ou un individu sain, mais d’une nature impressionnable et délicate, doué d’une âme généreuse, ardente pour chercher, puissante pour sentir, que le spectacle du monde jette dans le découragement, les vagues malaises de l’esprit et le dégoût de la vie ?

Le docteur Bucknill est convaincu qu’Hamlet est pathologiquement mélancolique, et qu’il y a peu de simulation dans ses paroles et dans ses actes ; il déclare cependant que sa folie n’en est encore qu’à la période d’incubation. Certes on peut trouver dans Hamlet plusieurs symptômes de la mélancolie pathologique, et l’on pourrait donner une analyse fidèle de son caractère en copiant presqu’à la lettre la description de cette maladie dans un ouvrage spécial, au chapitre : Folie mélancolique. Quant à nous, il nous répugne de croire qu’Hamlet est un fou ou qu’il n’a plus qu’un pas à franchir pour le devenir. D’abord Shakspeare aurait mieux marqué cette tendance, car il a l’habitude de bien indiquer ce que doivent être ses personnages ; or nulle part on ne trouve qu’il ait voulu faire d’Hamlet un malade qui doit bientôt succomber à la folie. Peut-on affirmer que, s’il avait vécu plus longtemps, Hamlet serait devenu fou ? Rien ne le prouve ; au contraire il semble qu’à la fin du drame une sorte d’apaisement se fait dans son esprit. Plus d’hallucination ni de conception délirante, aucun prodrome manifeste de folie : il montre seulement une grande exaltation sur la tombe d’Ophélie. D’autre part, s’il est vrai que la maladie commence souvent avec les idées dominantes qu’on retrouve chez Hamlet, il est impossible de considérer ces idées comme la preuve de perturbations cérébrales. Ces idées peuvent exister chez des individus qui jamais ne seront fous, qui ne donneront même jamais le moindre signe réel de trouble intellectuel, mais dont l’âme trop impressionnable, trop émue et ouverte, trop peu égoïste, s’affecte de toutes les injustices du monde. « Ils ne peuvent supporter les coups de fouet et les mépris du monde, les injustices de l’oppresseur, les affronts de l’homme orgueilleux, les tortures de l’amour dédaigné, les lenteurs de la justice, l’insolence des gens en place et les coups de pied que le mérite patient reçoit des indignes. » Que d’âmes d’élite qui ont pensé ainsi et chez lesquelles le spectacle du monde a amené le désenchantement et le dégoût de la vie !

L’organisation physique contribue sans doute à exalter cette tendance, qui consiste à ne voir que le côté affligeant des choses, et Shakspeare a eu soin de nous montrer Hamlet « gras et ayant l’haleine courte. » En faisant cette remarque, il ne songeait certes pas à l’acteur qui remplissait ce rôle, comme l’ont admis des critiques malavisés. C’est une organisation peu vigoureuse que celle d’Hamlet, une nature maladive, un tempérament nerveux et lymphatique, n’ayant pas, même à la fleur de l’âge, les allures juvéniles et violentes que donnent la force et la santé exubérantes et qu’accompagnent l’insouciance, la gaîté, l’ardeur au plaisir et au travail propres au tempérament sanguin. Les natures comme celles d’Hamlet sont de bonne heure rêveuses et souffrantes ; elles sont toutes de sensibilité, d’expansion, d’enthousiasme ou de désillusion, selon les circonstances ; mais malgré leur bizarrerie, leur originalité et leur conduite qui souvent est opposée aux règles communes, ces individus ne deviendront jamais des aliénés ; tels ils sont nés et tels ils resteront ; ce sont des misanthropes généreux ou moroses, sympathiques ou ridicules, souvent brusques et méfians, mais capables de reparties fines et d’aperçus justes. Voilà pourquoi nous ne croyons pas avec le docteur Brierre de Boismont et le docteur Bucknill, qu’Hamlet soit dans un de ces états intermédiaires entre la raison et la folie, qu’on a nommés la période d’incubation, période où des milliers de malades succombent, d’où des centaines d’autres sortent pour revenir à la santé. Pour nous, Hamlet ne saurait devenir vraiment fou : il ne saurait davantage être plus raisonnable ; ce n’est pas un type intermédiaire, c’est un type réel et complet. S’il a des hallucinations, c’est que son âme est envahie par la douleur et par l’immensité du crime qu’il entrevoit. Son cerveau est mal équilibré, non par la maladie, mais par l’excès de la méditation et de la souffrance. Il faut considérer qu’à peine a-t-il eu le temps de se reconnaître et de comparer le monde tel qu’il est avec le monde tel qu’il a cru le voir dans sa naïve bonté, qu’il est obligé, lui si aimant, si respectueux, de se détourner avec horreur de la conduite de sa mère !

Il est des enfans nés musiciens qu’une fausse note irrite ; dès leurs premières années, ils ont le sentiment de l’harmonie. Aucune note discordante ne leur échappe, et ils ne peuvent comprendre qu’il existe d’autres organisations d’où le sens de l’harmonie soit absent. D’autres naissent avec un sens exquis des couleurs et des lignes, et tout ce qui est contraire à leur art les blesse et leur répugne. Hamlet est une de ces natures d’artistes ; c’est un artiste du sens moral. Né avec le sentiment le plus délicat de ce qui est honnête et généreux, il se passionne pour la loyauté et la vérité comme le musicien pour l’harmonie et le sculpteur pour la forme idéale ; nos vices et nos faiblesses l’étonnent ; ce sont pour lui des monstruosités.

Avec quel dégoût il souffre le contact des flatteurs et des hypocrites, et comme il les humilie à l’occasion ! C’est avec un secret plaisir qu’il torture ce pauvre courtisan Osric, à qui il laisse voir tout le ridicule de ses bassesses et de ses flatteries ; il s’amuse à le faire patauger dans sa propre fange comme un animal immonde. C’est qu’Hamlet a reconnu son ennemi naturel, qui, contrairement à lui, est né avec l’amour du mensonge et « qui, avant de le sucer, faisait déjà des révérences au sein de sa nourrice. » Il hait les méchans ou plutôt il sent son cœur se soulever quand il les rencontre sous ses pas, au milieu de la cour de son oncle. On dirait le tressaillement involontaire de terreur et de dégoût qu’éprouve Marguerite près de Méphistophélès. Quelle joie au contraire lorsqu’il rencontre un honnête homme ! Son âme épanouie se livre à l’idéal. Avec quel plaisir il serre la main loyale et franche d’Horatio ! Chaque fois qu’il se retrouve avec lui, son cœur est soulagé et l’humanité lui paraît alors moins mauvaise. Que Shakspeare, pour créer ce type, ait connu les délicatesses de sentiment qu’il prête à Hamlet, on n’en saurait douter ; c’est bien l’œuvre de l’homme honnête et affectueux que Ben-Jonson nous dépeint « civil de manières, d’un naturel, ouvert et franc. » Lui aussi, comme il le dit dans ses sonnets, a été fatigué du spectacle du monde, de ce mélange d’injustices et de basse jalousie que crée la concurrence vitale.

Plusieurs critiques ont voulu trouver de l’analogie entre Hamlet et Werther, et les Allemands ont cru reconnaître dans Hamlet la personnification de leurs idées et de leurs sentimens. L’un d’eux s’est écrié : « Hamlet, c’est l’Allemagne ! » Ce rapprochement n’est peut-être pas bien exact, car, s’il est vrai qu’Hamlet et que Werther sont tous deux de nature rêveuse, quelle différence dans leur caractère ! Werther aime sans doute l’idéal et la vérité, mais il est égoïste, orgueilleux ; il ne nous entretient que de ses rêves, de ses désirs, de ses douleurs ; il estime que la nature humaine est chose de peu, que le spectacle du monde est désolant, uniquement parce qu’il ne jouit pas de tous les biens auxquels il aspire. Hamlet ne se préoccupe jamais de sa personne, il sacrifie sans plaintes jusqu’à son amour pour Ophélie ; prince et héritier d’un trône, il ne laisse percer ni orgueil ni vanité ; bon et affectueux envers tous, il souffre moins de ses maux que des vices de la société ; c’est une nature expansive qui confond ses intérêts personnels avec ceux de l’humanité tout entière. C’est bien plutôt avec Alceste qu’Hamlet a le plus de ressemblance ; l’un et l’autre aiment la loyauté et la franchise, prennent peu soin de leur intérêt personnel et ne sont misanthropes que parce qu’ils ne trouvent pas autour d’eux l’écho de leurs propres sentimens. C’est avec raison qu’on a rapproché ces natures qui se ressemblent tant en dépit des apparences, créations de génie de deux écrivains qui ne manquaient point d’affinités, car ils furent, comme l’a dit M. Taine, « des philosophes d’instinct pour lesquels il faut avec les sens et le cœur le contentement du cerveau. »

Cette absence de préoccupation personnelle et d’égoïsme est une preuve de plus qu’Hamlet n’est point dans la période d’incubation de la folie ; les mélancoliques aliénés en effet restent froids et indifférens à toutes les questions générales. Concentrés en eux-mêmes, ils n’étendent pas leurs idées au-delà de leur personne et ne songent qu’à leurs propres maux. D’autre part, la mélancolie d’Hamlet n’est pas absolue : ses lettres à Ophélie ne sont pas d’un hypocondriaque ; pendant qu’il étudiait à l’université de Wittemberg, il fréquentait le théâtre et les acteursi II revoit avec plaisir ses anciens compagnons d’étude Rosencrantz et Guildenstern, et ne retombe dans ses tristesses et dans ses méfiances que lorsqu’il s’aperçoit que ses amis ne sont venus que pour le surveiller et pour l’épier. En un mot, si Hamlet présente des bizarreries de caractère qui rappellent les premiers symptômes de la folie, il est certain qu’il n’est nullement un aliéné, même à la période prodromique. Indécis, livré au cours des événemens, il est parfois possédé d’une activité sans frein. Ainsi, dans la scène de l’a représentation, il ne peut attendre le moment où la tragédie va commencer ; il pose sa tête sur les genoux d’Ophélie, s’asseoit, se lève, interrompt les acteurs pour expliquer la pièce et hâter le dénoûment ; dès qu’il voit pâlir le roi, il est pris d’un rire involontaire et spasmodique comme à la fin d’une crise nerveuse. Quant à ses hallucinations, elles ne permettent pas d’affirmer l’aliénation ; il n’est point rare que des individus parfaitement sains aient des hallucinations ; tous les médecins aliénistes sont d’accord sur ce point que ce symptôme ne suffit pas pour caractériser la folie. Dans la pièce Comme il vous plaira, le caractère de Jacques se rapproche beaucoup de celui d’Hamlet : lui aussi est un philosophe mélancolique qui se plaît à être seul et à récriminer contre la société ; « ce sont les spectacles variés contemplés durant ses voyages qui, ruminés sans cesse par sa pensée, l’enveloppent dans une tristesse très originale. » On croirait entendre Hamlet, lorsqu’il s’écrie : « Morbleu ! il fait bon être triste. »

Malgré toutes ses bizarreries, Jacques, pas plus qu’Hamlet, n’est un aliéné. Tout autre est le caractère de Timon d’Athènes. Riche ou pauvre, Timon n’a ni raisonnement, ni jugement, ni discernement ; ses prodigalités sont aussi ridicules que son optimisme est aveugle. C’est déjà une altération morale qui, sous le coup de l’infortune, va dégénérer en folie ; aussi la misanthropie de Timon est-elle loin de ressembler à la misanthropie raisonnée et philosophique d’Hamlet et de Jacques ; ce n’est même pas de la misanthropie, c’est une série de conceptions délirantes engendrées par la haine et la colère.

Avant de quitter le drame d’Hamlet, remarquons encore combien la folie d’Ophélie est traitée avec science. Malgré ses pleurs et le souvenir terrible du trépas de son père, elle a des momens de gaîté exagérée. Quel contraste émouvant et vrai entre ces chants, ces fleurs dont elle fait des couronnes, ces rires nerveux et ces brusques retours de tristesse ! C’est bien la folie d’une jeune fille, différant essentiellement par ses symptômes de celle d’autres malades du même genre, de celle du roi Lear par exemple. La vivacité et les grâces charmantes de la jeunesse percent dans tous les actes d’Ophélie ; on sent que l’affection est accidentelle et subite, qu’elle ne résulte point d’un organisme prédisposé aux troubles de l’intelligence. Il y a encore bien de la finesse d’observation à montrer cette jeune fille si pure, si naïve, perdant tout à coup, par le fait même de la maladie, le sentiment de la pudeur ; la veille, elle eût rougi en entendant la chanson qu’elle chante elle-même. C’est surtout lorsque l’on compare ces scènes à celles où d’autres auteurs ont cherché à dépeindre des situations analogues qu’on admire le génie de Shakspeare. Marguerite en prison est sans doute dramatique, mais elle n’agit ni ne parle comme une folle ; elle est uniquement en proie à une violente excitation cérébrale, à un accès de délire.

Le drame du Roi Lear est une étude complète sur la folie. Dès les premières scènes, Shakspeare nous montre un vieillard orgueilleux se livrant à des actes qui témoignent d’une intelligence bizarre et mal équilibrée. Le roi sans doute paraît être en pleine santé ; mais le germe de sa maladie existe déjà et tous les prodromes en sont nettement indiqués par la brusquerie de ses décisions, le manque de jugement, l’orgueil effréné, l’amour des hommages flatteurs. C’est le pouvoir suprême qui semble avoir causé ce trouble de l’esprit ; il n’a jamais trouvé de contradicteurs, tout doit obéir à sa volonté ; il croit même commander à l’avenir et ne doute pas que tout n’arrive comme il l’ordonne. Ainsi dès le début on assiste au développement de la maladie qui éclatera plus tard. Les événemens tragiques qui vont suivre ne seront que la cause apparente et occasionnelle de cette folie ; mais, comme il arrive presque toujours, le germe de cette affection mentale remonte plus haut. Le caractère du roi est si nettement dessiné dès le premier acte, qu’il a frappé par sa justesse non-seulement les médecins aliénistes, mais des critiques littéraires. C’est ainsi qu’on peut approuver complètement, au point de vue médical, la réflexion suivante de M. É. Montégut : « de l’enquête poétique à laquelle Shakspeare nous fait assister, il résulte que Lear était fou, même en pleine santé, longtemps avant LA PSYCHOLOGIE DE SHAKSPEARE. 651 que le délire ne se déclarât, que cette folie n’aurait jamais été connue, si Gonéril et Régane ne lui avaient fourni par les procédés de leur ingratitude une raison d’éclater. »

L’exaltation maniaque suit chez Lear la marche ordinaire. L’impressionnabilité exagérée du roi, sa faiblesse irritable, se traduisent par une extravagance de caractère et par des emportemens que rien ne motive. Il quitte avec hauteur Gonéril pour se rendre chez son autre fille Régane, il ne doute pas un seul instant qu’il ne soit reçu avec tous les honneurs qui lui sont dus ; mais déjà son caractère change, il devient moins hautain, et il écoute sans irritation les vérités que lui dit son fou. Il sent que ses pensées se troublent, que son esprit est ébranlé par ce coup imprévu. Comme il arrive chez beaucoup d’aliénés, Lear a le sentiment de son état, il supplie le ciel de ne pas permettre qu’il devienne fou : « Que je ne devienne pas fou, ciel clément ! Gardez-moi en équilibre, je ne voudrais pas être fou ! »

Repoussé par sa seconde fille, humilié dans son orgueil de roi, blessé dans son amour de père, le roi Lear pourrait encore conserver sa dignité et se retirer dépouillé, mais fier, le cœur gonflé de mépris pour ses filles ; mais, par cela seul qu’il est dans un état pathologique, il va tomber d’une exagération dans une autre ; il s’humiliera jusqu’à renoncer à tous ses désirs, il s’abaissera à mendier ce qu’il rejetait avec dédain, il écoutera ses filles avec résignation, il essaiera même de se méprendre sur le sens de leurs paroles ! Cette succession si rapide de douleurs et d’émotions violentes chez un homme qui a déjà présenté tous les symptômes de la manie à l’état d’exaltation devait ébranler profondément sa raison ; mais Shakspeare ne se contente pas de toutes ces causes morales, il appelle à son aide le concours de la nature. C’est par une nuit de tempête que le vieux roi erre au milieu de la campagne, sans abri, tête nue, inconscient de ses souffrances physiques, « la tempête de son âme enlevant à ses organes tout autre sentiment. » Bientôt son exaltation s’apaise, la fatigue du corps l’emporte sur la surexcitation de son âme, il commence à sentir le froid ; aux émotions violentes succède l’abattement, il s’attendrit, sanglote, et c’est lui, ce roi autrefois si superbe, qui dit à son fou : « Comment vas-tu, mon enfant ? as-tu froid ? Mon pauvre enfant, j’ai encore dans mon cœur une place qui souffre pour toi. » La colère est tombée, l’énergie est brisée, le cerveau est déprimé par une excitation trop violente ; c’est la fin de la lutte avec la raison.

Chacune de ces observations est remarquable de justesse et la gradation des symptômes est observée avec une science que ne saurait surpasser un médecin aliéniste. Les scènes suivantes nous montrent peut-être d’une façon encore plus manifeste à quelle profondeur a pénétré l’intuition de Shakspeare dans l’étude de la folie.

Les premiers symptômes bien caractéristiques de l’aliénation apparaissent au moment où le roi Lear rencontre Edgar ; au milieu de pensées incohérentes et d’illusions des sens, une seule idée le domine, il y revient sans cesse ; c’est celle de l’ingratitude de ses filles. Avec la logique de la folie et grâce au travail instinctif de l’association des idées qui persiste dans ces états pathologiques, il attribue l’état misérable d’Edgar aux mêmes causes qui ont produit son malheur : « En es-tu venu là pour avoir tout donné à des filles ? » Et lorsque Kent lui fait remarquer qu’Edgar n’a pas de filles, il s’écrie : « A mort, traître ! Rien n’aurait pu précipiter la nature dans un tel degré d’abjection, si ce n’est des filles ingrates. »

Les idées et les émotions violentes qui ont amené la folie exercent en effet presque toujours une influence déterminée sur la nature et l’objet des conceptions délirantes. Il est même souvent difficile d’établir une limite bien précise entre la folie et ce qui est encore le résultat physiologique, mais exagéré, de l’émotion qui a été éprouvée ; la folie paraît ainsi souvent la continuation de l’émotion. Les hallucinations et les illusions portent dans ces cas le cachet de la douleur morale, et dans chaque cas particulier, à côté des symptômes généraux et communs à la plupart des malades, il y a une note dominante qui dépend de la violence du premier choc et surtout de la disposition d’esprit dans laquelle se trouve l’individu au moment où il est frappé. Cela explique les hallucinations du roi Lear, qui croit voir ses filles dans des escabeaux, et qui les fait juger par son fou, par Kent et par Edgar, qu’il proclame des justiciers. La simulation de la folie par Edgar sert de même à mieux faire ressortir tous les vrais caractères de la folie réelle du roi. Dès les premiers mots, ce contraste apparaît, nouvelle preuve et des plus remarquables du génie d’observation de Shakspeare. Edgar, malgré tous ses efforts, ne parvient pas à parler et à agir comme un fou réel ; il ne faut pas une grande habileté pour reconnaître la simulation dans ses paroles. Comme tous ceux qui cherchent à simuler, il tombe dans des exagérations, suit les préjugés et les superstitions que le public prête aux aliénés. A l’entendre, un démon le tourmente, des esprits de différens noms habitent son corps ; il répète à satiété : « Le méchant démon hante le pauvre Tom. »

Une des plus importantes questions, de la médecine aliéniste, et sur laquelle on a vivement discuté, est touchée par Shakspeare. Le séjour des aliénés parmi d’autres malades du même genre leur est-il favorable, ou bien augmente-t-il et entretient-il les symptômes de la folie ? On a prétendu qu’une telle société avait une influence fâcheuse et qu’il fallait autant que possible isoler les malades. Un grand nombre de médecins au contraire repoussent la séquestration et l’isolement ; Shakspeare semble être du même avis. Le roi Lear en effet paraît plus tranquille lorsqu’il est en compagnie d’Edgar ; il demande à rester près de lui, veut qu’il l’accompagne, se plaît à causer avec lui et le prend en affection. Cette influence morale qu’exerce la société est expliquée par ces réflexions d’Edgar : « Qui souffre seul, souffre surtout dans son âme, parce qu’il laisse derrière lui des êtres exempts de chagrins et des spectacles de bonheur ; mais lorsque le malheureux a des compagnons et que la douleur est associée à d’autres douleurs, l’âme esquive de grandes souffrances. »

Au début de la maladie du roi Lear, les conceptions délirantes sont fixes, de nature persistante et en petit nombre. C’est en effet ce qui arrive dans la première phase de la folie ; plus tard, l’incohérence devient plus manifeste : aussi, quand au dernier acte nous retrouvons le roi Lear, il est moins exalté, mais le mal est plus profond. Il a des momens de gaîté, il se couronne de fleurs et chante à haute voix ; les idées se succèdent constamment les unes aux autres, elles sont isolées, sans liaison ; chaque circonstance occasionnelle en faisant surgir de nouvelles, leur association est légère et instable. L’intelligence cependant ne s’est point entièrement obscurcie ; en dépit de la confusion des idées, la mémoire est fidèle, et quelquefois les pensées du roi Lear atteignent une élévation inattendue. Lorsqu’il se retrouve près de Cordélia, il semble avoir de courts éclairs de raison. Comme chez tous les malades de ce genre, alors même que leur état est plus ou moins susceptible d’être amélioré, Shakspeare nous montre l’intelligence du vieux roi incapable d’un effort prolongé et toujours d’une sensibilité exagérée. Il s’abandonne maintenant à son amour paternel pour sa fille Cordélia avec autant d’exaltation qu’il en avait mis autrefois dans ses colères et dans ses violences.

M. Bucknill et M. Brierre de Boismont ont remarqué avec raison que tout autre auteur dramatique n’aurait pas manqué de faire revenir à la raison le pauvre roi par la force de l’amour filial. Loin de tomber dans cette faute, Shakspeare n’indique que le degré d’amélioration qui était possible pour un individu dont la constitution était originairement d’une sensibilité exagérée, et dont le cerveau avait été profondément troublé par la maladie. A ne considérer que la science mentale, on serait tenté d’appliquer à chacun des épisodes du drame du Roi Lear les paroles que Voltaire eût voulu inscrire au bas de chacune des pages de Racine. Un trait caractéristique de Shakspeare est que, chaque fois qu’il met en scène des personnages atteints d’aliénation mentale, il cherche à émouvoir le public en leur faveur, et on doit lui savoir encore plus de gré d’avoir parlé de la folie avec ces sentimens de sincère pitié que d’avoir su analyser si admirablement tous les symptômes de cette maladie. Partout il nous la représente digne de compassion, inoffensive, et il s’efforce d’attirer sur elle notre intérêt. En même temps il montre le ridicule du préjugé qui veut voir dans les aliénés des possédés et des êtres dangereux. Il faut se rappeler qu’à l’époque où vivait Shakspeare les fous étaient traités avec une cruauté sauvage ; on les enfermait dans des maisons de correction, où ils étaient mêlés et confondus avec les criminels, ou bien on les jetait chargés de chaînes dans des cages, le plus souvent dans des réduits sombres et malsains. Ce fut peut-être un acte de courage d’avoir montré que la folie peut atteindre un roi aussi bien que le dernier des mortels ; mais ce fut à coup sûr une pensée humanitaire qui fit affirmer à Shakspeare que l’aliénation mentale est une maladie qui a droit à tous nos soins et qui peut être guérie. Shakspeare, dans cette voie, a devancé Pinel, et c’est sans doute à son influence que l’Angleterre doit d’avoir été la première à élever un asile spécial pour les malades atteints de folie ; c’est à l’hospice Saint-Luc de Londres, construit au siècle dernier, qu’ont été faites les premières tentatives en faveur de l’amélioration du sort des aliénés.

Les héros des drames de Shakspeare ont ce caractère particulier qu’ils nous apparaissent dans la plénitude de la vie avec tous les signes distinctifs de l’individualité. Dès les premières scènes, nous connaissons leur tempérament et nous pouvons prévoir comment ils vont agir dans toutes les circonstances. Avant qu’on ait aucune raison de supposer qu’Othello devienne jaloux, on peut déjà deviner comment il se conduira quand il le sera. Shakspeare ne cherche jamais à personnifier une idée abstraite ; ses héros ne sont ni absolument vertueux, ni tout à fait criminels : ils sont humains. Lady Macbeth elle-même a les qualités de sa bestialité féroce, elle est épouse fidèle et aimante, « elle a nourri, et sait combien il est doux d’aimer l’enfant que l’on allaite. » Une telle conception des caractères est bien plus morale et plus vraie que celle des auteurs qui créent des types d’une telle perfection qu’ils ne répondent à rien de réel dans la nature. Qu’importent à lago ou à Macbeth, d’un autre côté, les lois abstraites de la morale ? Us savent fort bien qu’ils font mal. H nous semble qu’il serait ridicule, comme ne manqueraient point de le faire certains moralistes, de les montrer repentans après leurs crimes, en proie aux tortures de leur conscience et édifiant le monde par leurs remords. Ceux qui ont pu commettre de tels crimes sont incapables de ces beaux retours à la vertu. Malgré l’autorité et la puissance de la religion aux époques où vivent les personnages de Shakspeare, le poète n’a pas songé un instant à ces dénoûmens faux et mièvres ; il a montré au contraire combien, en dehors de toute influence morale, le cours naturel des choses amène le châtiment.

Non-seulement les personnages de Shakspeare vivent et agissent selon leur tempérament, ils conservent leur caractère propre jusque dans leurs maladies et dans leur genre de mort. Le gros et gras Falstaff, bon viveur et buveur, a des accès de goutte qui attristent son humeur ; « il lui est arrivé de quelque peu malmener les femmes, mais alors il souffrait de ses rhumatismes. » Comme la plupart des alcooliques, il meurt d’une congestion du cerveau et des méninges ; « il bavarde de campagnes vertes, remue ses draps, joue avec des fleurs et sourit à ses bouts de doigts. » Cette agitation automatique des doigts et des mains, que les médecins appellent carphologie, est le signe d’un danger imminent et survient particulièrement dans les affections des méninges. En même temps, comme le décrit Shakspeare, « le nez est effilé et froid, » le sang se retire des membres, et la température s’abaisse peu à peu des extrémités au centre ; « alors, raconte l’hôtesse qui assistait à l’agonie de Falstaff, il m’ordonna de mettre d’autres couvertures sur ses pieds : je mis ma main dans le lit et je les touchais ; ils étaient aussi froids qu’une pierre ; alors je touchais ses genoux, et puis je touchais plus haut et puis plus haut, et tout était aussi froid qu’une pierre. »

La mort d’Henri IV d’Angleterre est également en parfait accord avec la vie de ce prince soucieux, triste, indécis, épuisé d’insomnie. Les détails du drame permettent d’affirmer qu’il est emporté par une maladie du cœur. Il tombe en de fréquentes syncopes ; des angoisses l’étouffent, il demande de l’air, et il prie qu’on le mette sur son séant. Le roi Jean, mort empoisonné, se plaint surtout de la soif qui le dévore ; c’est en effet le symptôme caractéristique des inflammations du tube digestif. « Nul de vous ne voudra donc ordonner à l’hiver de venir et de mettre ses doigts glacés dans ma gorge ou de faire couler les rivières de mon royaume à travers ma poitrine haletante. » La description de l’état cadavérique de Glocester (Henri VI, acte III, scène II) est un vrai modèle d’expertise médico-légale ; on ne saurait mieux dépeindre les signes de la strangulation : « cette face noire et infiltrée de sang, ces yeux sortant de leur orbite, ces narines ouvertes sous l’effort de la lutte, ces mains étendues comme celles de quelqu’un qui a étreint fortement, la barbe mise en désordre et emmêlée… » Que d’autres descriptions du même genre nous pourrions encore citer, où l’on retrouve cette exactitude, cette délicate observation des faits ! Ainsi dans un rêve agité Hotspur non-seulement par le haut de ses préoccupations de guerre ; des gouttes de sueur coulent le long du front, et, remarque bien plus originale, « sur le visage passent d’étranges mouvemens pareils à ceux que nous voyons passer sur le visage d’un homme qui retient son souille sous la nécessité de quelque grande hâte soudaine. »

Dans le Conte d’hiver, pour augmenter les remords du roi criminel, Shakspeare fait mourir son fils unique « par l’effet des terreurs d’imagination et des craintes que lui a inspirées le sort de la reine sa mère. » Cette mort peut paraître étrange ; il semble qu’il y ait quelque exagération, au moins pour l’époque, à faire mourir si vite un jeune prince par suite du chagrin qu’il éprouve des malheurs de sa mère. Remarquez cependant avec quel art Shakspeare rend ce dénouaient naturel et logique, avec quelle science médicale il montre dès les premières scènes un enfant doux, aimable, d’une délicieuse gentillesse, un peu frêle, et, comme il arrive souvent chez les enfans de constitution délicate, d’une intelligence des plus précoces ! On le voit se blottir dans les genoux de sa mère, la fatiguer de ses embrassemens, et dire à une dame d’honneur : « Je ne veux pas de vous, vous m’embrasseriez trop fort, et vous me parleriez comme si j’étais toujours un bébé ! » Sa mère lui demande de lui réciter un conte, il le choisit triste, plein d’esprits et de revenans. « Il y avait un homme qui habitait près d’un cimetière ; — je vais le dire tout bas, — les cri-cris là-bas ne l’entendront point. » Ces quelques mots, si insignifians en apparence, nous expliquent comment l’emprisonnement de sa mère fera naître dans cette jeune imagination, d’une nature si délicate, les terreurs mortelles de la fièvre.

Quelle vérité dans les scènes de Tout est bien qui finit bien, où le roi croit devoir sa guérison à une drogue secrète ! Du temps de Shakspeare comme aujourd’hui, il existait, paraît-il, des spécifiques d’une souveraine infaillibilité, et des remèdes pour guérir les maladies les plus désespérées, « alors que les écoles, à bout de leurs doctrines, ont laissé le mal à lui-même. »

Nous n’avons pas épargné les éloges au profond psychologue qui est dans Shakspeare ; nous ne dissimulerons pas ses erreurs médicales, d’ailleurs peu nombreuses. L’action toxique de la jusquiame, telle que l’a dépeinte le spectre dans Hamlet, est loin d’être exacte ; il est impossible que cette substance versée dans l’oreille d’un homme endormi puisse aussitôt déterminer des ulcères et amener la mort. Nous n’insisterions pas, si Shakspeare ne spécifiait avec soin la nature et les effets du poison. Du moment qu’il prétend discuter doctement sur cette matière, on a le droit de lui demander quelque exactitude. A en juger par le choix qu’il fait de la jusquiame, il paraît que de son temps cette substance passait pour le poison le plus énergique.

La plus grosse erreur de Shakspeare se trouve dans la scène où Desdémone est étouffée par Othello. Le Maure ne frappe Desdémone d’aucun instrument tranchant, il ne lui fait aucune contusion, il ne se livre sur elle à aucune violence, il l’étouffe sous les oreillers. La mort arrive uniquement par asphyxie ; c’est une action étrangère à toute lésion grave de l’organisme. Si cette cause mécanique cessait, la vie reviendrait aussitôt, alors même que déjà l’asphyxie aurait été presque complète. Une personne qui aurait été privée d’air pendant quelque temps échapperait à la mort, si elle pouvait encore respirer. Or, après avoir été étouffée, Desdémone proteste encore de son innocence et excuse Othello. Si elle peut parler, elle respire, et, si elle respire, il est impossible qu’elle meure asphyxiée, On conçoit qu’il ait répugné à Shakspeare de faire périr Desdémone par un meurtre sanglant : Othello ne saurait mutiler ce beau corps ! Il fallait alors supprimer les paroles suprêmes de Desdémone.

Nous pouvons conclure de cette étude qu’il y a en Shakspeare, à côté du poète et du philosophe, un observateur des plus profonds, qui s’est rarement écarté de la vérité, quelle qu’ait été l’audace de son imagination. Il a donné à chacun de ses personnages le caractère spécial de son époque et même de sa race, et il a su, en même temps, marquer les qualités morales et les états psychologiques de chacun d’eux, selon son tempérament et son organisation physique. Il a ainsi imprimé à toutes ses œuvres le sceau de la réalité et de la vie. Dédaignant le merveilleux factice, il se sépare également de tous ceux qui ont cherché à introduire dans leurs drames ou dans leurs romans les données physiologiques et médicales, et dont les œuvres littéraires ne sont la plupart que des amplifications bizarres et fantastiques. Au lieu de reproduire avec une servile exactitude les élémens que fournissent les connaissances scientifiques, Shakspeare les domine, il leur assigne leur place et leur rôle, et en dépit des préjugés du temps, il leur donne leur signification réelle avec une clarté et une précision que l’on ne saurait assez admirer. Ce que nous réclamons pour lui, c’est le privilège d’une intuition merveilleuse et d’une puissance de conception qui restent toujours dans les limites de la vérité et du bon sens, tandis que son génie idéalise les faits les plus vulgaires et illumine les points les plus obscurs des passions humaines.
E. ONIMUS.


  1. Au théâtre, on fait toujours apparaître le fantôme assez loin de la place où le portrait du roi est suspendu. Le fantôme devrait au contraire être visible en premier lieu près de ce portait, car l’hallucination d’Hamlet est préparée par l’attention avec laquelle il a contemplé la figure de son père. En pareil cas, les personnages des tableaux revêtent peu à peu les apparences de la vie et semblent sortir du cadre, comme le démontrent plusieurs hallucinations religieuses où les fidèles en adoration, les yeux fixés sur les figures saintes, ont vu celles-ci s’animer et s’avancer vers eux.

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DES LIVRES RELIéS EN PEAU HUMAINE…

DES LIVRES RELIéS EN PEAU HUMAINE…

Trois livres reliés avec de la peau humaine ont été découverts dans trois bibliothèques différentes de l’Université de Harvard.

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Macabre découverte : des universitaires d’Harvard ont découvert que trois livres de leur bibliothèque étaient reliés avec… de la peau humaine ! En effet, des ouvrages, dont le cuir leur paraissait suspect et qui traitent de lois médiévales, de poésie romaine et de philosophie française, ont été trouvés dans trois bibliothèques différentes du campus. Dans un exemplaire des Métamorphoses, une simple note « relié avec de la peau humaine » en témoigne. #VULU // DES LIVRES RELIÉS AVEC DE LA PEAU HUMAINE ONT ÉTÉ DÉCOUVERTS À HARVARD

Un paragraphe dans le livre Practicarum quaestionum circa leges regias donne plus de détails : « Ce livre est tout ce qu’il me reste de mon cher ami Jonas Wright, qui fut écorché vif le 4 août 1632. Qu’il repose en paix. » Et il se pourrait qu’il y ait davantage de reliures de ce genre, seul un test ADN pourrait l’en attester. Une trouvaille assez morbide, qui ne manquera pas de fasciner les étudiants d’Harvard et ailleurs.

La méthode n’est pourtant pas aussi surprenante que cela : ce type de reliage, nommé « Anthropodermic bibliopegy » était plutôt commun durant le 17e siècle, en particulier pour les livres sur l’anatomie, sur les testaments et dernières volontés. La peau humaine était le plus souvent prélevée à partir de criminels exécutés.

Quelques informations complémentaires sur ces pratiques :

La reliure des livres en peau humaine : L’Anthropodermic bibliopegy.

L’Anthropodermic bibliopegy, ou la pratique de la reliure des livres en peau humaine, remonte au moins au 17e siècle. Peut-être le plus extraordinaire exemple de cet art est un livre datant de 1837 et intitulé « Récit de la vie de James Allen, alias George Walton ». Walton a toujours insisté sur le fait qu’il était  » maître de sa propre peau « , et à son exécution, il demanda que sa vie criminelle devait être relié avec son épiderme d’où l’inscription sur la couverture de la mention suivante « HIC LIBER WALTONIS CUTE COMPACTUS EST » –  » qui traduit donne :

« Ce livre a été écrit par Robert Walton et relié dans sa propre peau »

 

Loup garous

 

On soupçonne à juste titre aujourd’hui que plusieurs ouvrages de ce type figureraient dans plusieurs bibliothèques de par le monde.

Très souvent la peau était « léguée » par la personne, pour qu’elle soit utilisée de cette manière particulière mais l’essentiel des peaux destinées à la reliure de livres provenaient surtout de criminels exécutés.

Dans L’ami de la religion, journal ecclésiastique, politique et littéraire, Tome 145 de 1850, on peut remarquer l’extrait suivant :

Une tannerie de peau humaine en 1793

Dans un catalogue de livres de la bibliothèque de M. Villenave, en novembre 1849 vendus publiquement à Paris, on lisait, sous le numéro 889, le singulier article que voici :
Constitution de la république française. Dijon, 1795,1 volume ia-48, relié en peau humaine.

En tête de ce livre, éminemment démocratique, comme on le voit, et par le fond, et par la forme, était écrite la Déclaration des droits de l’homme. Le volume était réellement relié en- peau humaine imitant le veau fauve : il a été acheté par un libraire du quai Malaquais, qui dut assurément le payer fort cher.

Beaucoup de personnes vont s’imaginer peut-être que cette reliure en peau humaine est une de ces diaboliques inventions réactionnaires que les blancs se plaisent à propager sur te compte des amis de ce bon M. de Robespierre et de son digne rival M. Marat. La chose est pourtant bien certaine. Il est même fort étonnant qu’il ne se rencontre pas plus souvent de ces catéchismes révolutionnaires reliés en peau d’aristocrate, car à cette bienheureuse époque, il se faisait un assez grand usage de ce genre de reliures ; il y avait des fabriques où l’on tannait la peau humaine, absolument comme le cuir de bœuf et de cheval, et l’on en faisait de beaux volumes qui se vendaient à un prix fou.

Et ceci n’est pas encore un conte fait à plaisir pour faire peur aux enfants, et appeler la défaveur sur ces bénins philanthropes de 93.

De 1792 à 1794, il existait à Meudon, près de Paris, une tannerie de peau humaine. Selon l’historien Montgaillard :

On tannait à Meudon la peau humaine, et il est sorti de cet affreux atelier des peaux parfaitement préparées. Les bons et beaux cadavres des suppliciés étaient écorchés, et leur peau tannée avec un soin particulier. La peau des hommes avait une consistance et un degré de bonté supérieurs à la peau des chamois ; celle des femmes présentait moins de solidité, a raison de la mollesse des tissus. (Montgaillard, Histoire de France, 3e édition, tom. 7, p. 64 en note.)

On voit par cette citation, dont nous indiquons l’auteur, le volume et la page, que nous n’inventons pas. La chose n’a d’ailleurs rien d’impossible, s’il est une fois admis que nos terroristes de la première heure aient aimé assez peu les aristocrates pour les peler et passer leur peau tout comme celle des quadrupèdes, car la science nous apprend que la peau humaine se prépare exactement par le même procédé que celle des animaux. On peut lire, à cet effet, l’article sur la Peau de l’Encyclopédie, qui donne tous les détails désirables sur le traitement des peaux humaines, et leur conversion en livres patriotiques par la méthode de 1793.

Livre en Peau Humaine

II est encore certain que les peaux aristocratiques ont servi à confectionner d’autres objets que des reliures, car la même Encyclopédie nous apprend qu’un chirurgien de Paris, qui porte le nom et est probablement l’aïeul de notre célèbre romancier socialiste, fit présent au cabinet du roi d’une paire de pantoufles, faites avec de la peau humaine, et sortant de la tannerie de Meudon.

Depuis 1793, l’usage des peaux humaines a totalement disparu de l’industrie française ; c’est pourquoi beaucoup le prenaient pour une pure fable, avant la découverte d’un volume de la Constitution de la République française, vendu, naguère à Paris. » Et l’on dira, après cela que les révolutionnaires de 95 n’étaient pas des hommes de génie, et qu’ils ramenaient la France à la barbarie ! Le progrès humain alla-t-il jamais plus loin : la peau humaine appliquée à l’industrie en général et aux cordonniers en particulier !…

On ne nomme pas le relieur du siècle dernier qui avait confectionné la reliure d’un petit volume in-18 de 103 pages, vendu à la vente de feu Villenave, intitulé : Constitution de la république française, et imprimé a Dijon en 1793, du, P. Causse. H est sur papier vélin et doré sur tranche. La reliure, avec trois filets dorés sur plat, imite le veau fauve, et une note écrite de la main de Villenave, sur un feuillet placé avant le titre, indique que le livre est relié en peau humaine. On a parlé à la même époque de culottes, de bottes, de pantoufles en cuir humain. Aussi bien, ce n’était pas la un premier essai, comme on serait tenté de le croire ; et une vingtaine d’années auparavant le célèbre Hunier avait absolument tenu à faire relier en peau humaine un traité sur les maladies de la peau. C’est un procès entre lui et son relieur qui révéla cet acte d’excentricité.

On a relié des livres avec toutes sortes de peaux : ainsi l’on a employé les peaux de truie pour recouvrir les gros livres de plain-chant ; et l’on cite même quelques exemples de reliure singulière, dus à des fantaisies d’amateur. Le bibliophile anglais Dibdin raconte qu’un particulier avait fait relier en peau de cerf un traité sur la chasse ; qu’un autre fit couvrir d’une peau de renard, l’Histoire de Jacques II, par Fox, et que le docteur Askew possédait un livre sur l’anatomie, relié en peau humaine. Il y’a quelques années, nous pouvions lire :

Dans quelques jours va être mis en vente aux enchères un ouvrage publié en Angleterre en 1606 relatant par le menu les accusations portées par la couronne britannique contre les conspirateurs catholiques ayant cherché à faire sauter le parlement (la mémoire protestante a conservé vivace le nom d’un d’entre eux : Guy Fawkes).

Son titre est tout un programme “ A True and Perfect Relation of the Whole Proceedings Against the Late Most Barbarous Traitors Garnet, a Jesuit, and His Confederates”.

On trouve dans ce texte les détails scabreux de l’exécution particulièrement cruelle d’un jésuite anglais, Henry Garnet, qui avait reconnu être au courant de la conspiration et de n’avoir rien fait pour l’arrêter. Propriété d’un collectionneur qui souhaite demeurer anonyme, l’ouvrage présente la particularité d’être relié, selon la légende, en peau humaine. Plus précisément avec la peau du jésuite exécuté. D’ailleurs certains remarquent que l’empreinte de son visage serait sur le livre.

 

Livre en peau humaine
Livre en peau humaine

 

Maria Teresa de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, une amie proche de Marie-Antoinette assassinée en 1792 qui selon la tradition, fût trainée dans les rues, tête exposée sur un pic et selon la légende,la peau de ses cuisses fut utilisé pour relier un livre.

 

Maria Teresa de Savoie-Carignan

 

Un autre exemple est celui de John Horwood, qui a été pendu à l’âge de 18 New Bristol (Royaume-Uni) en 1821 pour le meurtre d’Eliza Balsum. Sa peau servit à la reliure de ses propres mémoires, Le texte sur la couverture montre un crâne avec une légende centrale « Johannis Horwood Cutis vera» ( La véritable peau de John Horwood).

Le livre est aujourd’hui conservé au Bristol Record Office.

En 1827, William Corden tue sa maitresse Maria Martin à Red Barn (Royaume-Uni). Il fut pendu à Bury St.Edmunds en 1828. Après son exécution la peau de son dos servit à relier le livre pour la confection d’une histoire de la criminalité. L’exemplaire est actuellement au Moyse’s Hall Museum à Bury St. Edmunds.

 

Reliure en peau humaineWilliam Corder

 

La bibliothèque publique de Cleveland possède un Coran relié avec la peau d’un chef d’une tribu arabe. Acquis en 1941 et qui appartenait à Bushiri ibn Salim.

Dans les années 90, David Ferris de la bibliothèque de la faculté de droit de l’Université de Harvard, trouva une curieuse note écrite à la dernière page d’un livre de loi espagnol datant de 1605 : La couverture de ce livre est tout ce qui reste de mon ami Jonas Wright qui a été écorché vif le 4 aout 1632 par les Wavuma. (Une tribu africaine). En 1992, un petit bout du livre fut l’objet d’un test ADN, mais l’essai ne fut pas concluant car le tannage avait complètement détruit l’ADN. Sur la base de ses recherches sur l’histoire du livre, David Ferris croit que l’inscription est exacte et que le livre est en effet relié en peau humaine.

Enfin, la bibliothèque de Harvard possède un des nombreux exemplaires de la Danse Macabre, datant de 1816 mais un exemplaire relié en peau humaine par le grand relieur londonien Joseph Zaehnsdorf en 1893.

 

Livre en peau humaine

 

Selon plusieurs sources, certains fétichistes ont eu des livres recouvert de la peau de poitrine féminine. Les frères Goncourt dans Mémoires de la vie littéraire (1888) relatent, en 1866, que des médecins de l’hôpital de l’intérieur de Clamart (Paris) ont été licenciés après qu’on ait découvert qu’ils avaient vendu la peau de la poitrine d’une femme morte dans une morgue du Faubourg Saint-Germain .

C’est l’éditeur de livres érotiques Isidoro Liseux (1835-1894), qui déclara avoir vu le premier volume de la huitième édition de Justine du marquis de Sade, relié de cette façon.

Iwan Bloch (1872-1922), dermatologue de Berlin et le père de la sexologie moderne, qui possédait une bibliothèque de plus de 40.000 exemplaires, a également noté l’utilisation de cette peau .

La bibliothèque de Camille Flammarion, à l’observatoire de Juvisy contenait un exemplaire de son astronomie populaire reliée en peau humaine. c’est Une admiratrice de Camille, qui avait demandé à ce qu’à sa mort sa peau soit utilisée pour relier ce livre qu’elle appréciait par dessus tout.

La peau humaine est si malléable pendant le processus de tannage que n’importe quel autre animal. Le tannage augmente l’épaisseur et la transforme en un cuir souple et grains fins.

Selon certains auteurs, la peau humaine est semblable à celle du veau, mais il est difficile de supprimer complètement les poils de l’épiderme.

D’autres chercheurs disent que la texture de la peau humaine ressemblerait énormément à celle du porc. Un dernier exemple avec la peau de James Johnson, pendu en 1818 à Norwich (Royaume-Uni) qui a été utilisé pour relier une copie du dictionnaire Samuel Johnson.

 

 

A-t-il existé des tanneries de peau humaine ? Par le Docteur Cabanes

Le texte qui suit est tiré de l’ouvrage Les Indiscrétions de l’histoire, cinquième série, Librairie mondiale, Paris, 1908, p. 303-323.

Une légende qui a cours encore dans certains milieux, et qui de temps à autre reparaît, veut qu’aient fonctionné, en pleine Terreur, des tanneries de peau humaine. Cette légende mérite-t-elle d’être discutée ? Repose-t-elle sur des bases sérieuses ? Nous allons dire sans plus tarder quel en a été le point de départ.

Citons, tout d’abord, les témoignages contemporains. Voici ce que rapporte le conventionnel Harmand (de la Meuse) :

« Une demoiselle, jeune, grande et bien faite, s’était refusée aux recherches de Saint-Just: il la fit conduire à l’échafaud. Après l’exécution, il voulut qu’on lui représentât le cadavre, et que la peau fût levée. Quand ces odieux outrages furent commis, il la fit préparer (la peau) par un chamoiseur et la porta en culotte. Je tiens ce fait révoltant de celui même qui a été chargé de tous les préparatifs et qui a satisfait le monstre ; il me l’a raconté, avec des détails accessoires que je ne peux pas répéter, dans mon cabinet, au Comité de Sûreté générale, en présence de deux autres personnes qui vivent encore. Il y a plus : c’est que, d’après ce fait, d’autres monstres, à l’exemple de Saint-Just, s’occupèrent des moyens d’utiliser la peau des morts et de la mettre dans le commerce. Ce dernier fait est encore constant. Il ne l’est pas moins que, il y a environ trois ans, on mit aussi dans le commerce de l’huile tirée des cadavres humains : on la vendait pour la lampe des émailleurs.

« Quant au fait relatif à Saint-Just, on m’a raconté depuis, qu’un homme bien connu, ayant perdu une dame à laquelle il était très attaché, avait employé le même moyen, pour conserver un reste ou un souvenir matériel de l’objet de ses affections [1]. »

Cette historiette nous paraît suspecte par son exagération même ; elle a pourtant trouvé crédit auprès d’historiens qui ne se sont pas contentés de l’adopter, mais qui l’ont encore agrémentée d’amplifications plus ou moins ingénieuses.

Le vicomte de Beaumont-Vassy, qui s’est fait l’écho de maints autres racontars [2], assure avoir eu entre les mains un manuscrit se rapportant à divers épisodes de la Révolution. Ce manuscrit, ou plutôt cette chronique des événements de l’époque, avait pour auteur un brave propriétaire picard, qui s’était rendu à Paris beaucoup moins par curiosité que pour ses affaires et qui avait eu l’idée de tenir avec une grande exactitude une sorte de journal, dans lequel se trouvaient relatés, sans réflexions compromettantes d’ailleurs, les faits auxquels il lui avait été donné d’assister. L’original de ce manuscrit était tombé entre les mains du vicomte, grâce à l’obligeance du fils du propriétaire picard, devenu, sans y penser, un intéressant chroniqueur. M. de Beaumont-Vassy reconnaît y avoir puisé, mais l’avoir résumé – lisez : tripatouillé – avant de le présenter à ses lecteurs.

Le journal en question parlait, prétend-il, de la vénalité de Danton, de celle de Mirabeau, qui ne se défendait pas de s’être laissé acheter, mais qui ne voulait pas s’être vendu ; des dernières séances du procès de Louis XVI, rapportées par un témoin oculaire, etc.

Notre bourgeois avait également fréquenté les clubs, particulièrement celui des Jacobins. Là, il avait entendu Gonchon, l’orateur du faubourg Antoine, demander que le ci-devant château des Tuileries fût démoli, qu’on mît en vente les matériaux de démolition… et qu’on livrât à la culture des plantes potagères le jardin, « délices de la gent aristocrate » ! C’est à cette même assemblée que Cambacérès, le futur archichancelier de l’Empire, avait demandé la mise hors la loi de tous ceux qui arboreraient le signe de la royauté, motion qu’il reproduisit à la Convention, et qu’il fit convertir en décret.

Quelques mois plus tard, notre Picard se promenait dans les quartiers voisins du Temple. À certain moment, il se trouva engagé dans la rue des Vieilles-Haudriettes, presque en face de la boutique d’un corroyeur, que son odeur spéciale faisait reconnaître à distance. Tandis qu’il était plongé dans ses réflexions, il vit venir à lui un jeune homme marchant d’un pas pressé : il n’eut pas de peine à reconnaître un de ses compatriotes, le déjà célèbre Saint-Just, député du département de l’Aisne à la Convention, le séide, l’ami fidèle de Robespierre.

Saint-Just, alors âgé de vingt-quatre ans, était doué d’un physique agréable, d’une tournure élégante, pourvu, en un mot, de tous les attraits qui rendent la jeunesse séduisante.

– Par quel hasard nous rencontrons-nous ici ce soir ? demanda, du ton sec qui lui était habituel, le beau conventionnel à son compatriote.

– Je profite de mon séjour dans la capitale pour la visiter dans ses moindres recoins, lui répondit l’interpellé.

– Pouvez-vous m’attendre quelques instants ? J’entre chez ce corroyeur, à qui je n’ai que quelques mots à dire et je vous retrouve ; nous causerons du pays, tout en marchant.

Soit qu’il eut mal compris, soit plutôt qu’il feignit, poussé par la curiosité, d’avoir mal interprété les paroles de Saint-Just, notre bourgeois rentra avec ce dernier dans la boutique du mégissier. Rentré chez lui, il consignait sur ses tablettes le dialogue suivant, qu’il affirme avoir entendu, et dont nous lui laissons, ou plutôt dont nous laissons à celui qui le rapporte d’après lui, l’entière responsabilité.

– On m’a assuré, citoyen (Saint-Just avait le premier pris la parole), que tu tannes la peau humaine ?

– C’est vrai, citoyen, mais franchement, cela ne fait pas de fameuse marchandise. Pourtant, il y a près de Charenton un établissement, où la chose se fait en gros, et qui marche assez bien ; par exemple, pour la reliure des livres, cela remplace admirablement de la peau de veau. Dernièrement on a relié de la sorte un exemplaire de la Constitution et on doit l’offrir à la Convention nationale, si ce n’est déjà fait.

– Fort bien ; mais on peut en faire des culottes, n’est-ce pas ? cela doit être agréable à porter.
– Sans doute on en fait, mais ce n’est pas bien solide, quelque soin qu’on prenne pour les apprêter.
– Peau de femme ou peau d’homme, c’est la même chose, n’est-ce pas ?
– Oh ! que non, il y a même une assez grande différence et celle-là demande beaucoup plus de précautions, la peau de femme étant généralement plus fine que celle de l’homme.
– Enfin on peut l’employer.
– Pour culottes ou pour gants ?
– Ah ! c’est vrai, on pourrait aussi en faire des gants. Mais pour culottes ?
– On essayera ; seulement, je vous l’ai dit, citoyen, la peau d’homme serait infiniment plus solide. Les deux meilleures que j’aie préparées étaient celle d’un soldat suisse et d’un autre gaillard guillotiné dans toute la force de l’âge.
– C’est bon, je verrai cela, et si je me décide, je renverrai une peau de ma connaissance.
– Soyez tranquille, je vous arrangerai cela de mon mieux.
– J’y compte.
– Mais je ne garantis rien.
– C’est entendu, bonsoir. »

Et Saint-Just sortit de la boutique, suivi de son compagnon, qui ne savait s’il devait en croire ses oreilles.

Quelle pouvait bien être cette peau de la connaissance de Saint-Just ? Était-ce une peau de femme, comme le langage du conventionnel pouvait le faire supposer ?

Après un silence calculé, notre bon Picard se prit à dire d’un air narquois :
– Ah ! citoyen représentant, tu veux te faire faire des culottes avec la peau d’une femme, d’une jolie femme, bien sûr ?
– Peut-être, dit Saint-Just d’un air sombre et singulier. Et il changea de conversation. La citoyenne à laquelle il était fait allusion, était-ce la jeune Sartines ou la toute belle Mlle de Sainte-Amaranthe, qui aurait eu, dit-on, le rare courage de repousser les avances du fougueux Saint-Just ?

Le conventionnel, s’entendant avec un aide du bourreau, aurait-il fait mettre de côté le cadavre de celle qui avait refusé d’être sa maîtresse, et aurait-il envoyé sa peau au corroyeur de la rue des Vieilles-Haudriettes ? Rien n’autorise à l’affirmer, pas plus qu’on ne pourrait tenir pour certaines les relations intimes de Saint-Just avec la belle Emilie. On objectera qu’il assista, impassible, à l’exécution de la jeune femme, sur la place de la Révolution. Adossé au Garde-Meuble, et ne se dissimulant même pas, il aurait suivi dans ses détails l’exécution ; mais ceci n’a rien de surprenant. Fouquier-Tinville s’était bien dérangé pour ce spectacle rare, de soixante têtes coupées le même soir, et tous les pourvoyeurs de la guillotine voulurent voir si l’héroïsme des Chemises Rouges ne se démentirait pas.

Pour en revenir au récit de notre bourgeois ; nous aurions pu, à la rigueur, le tenir pour véridique, si sa publication n’était postérieure à celle du conventionnel Harmand, dont il semble n’être que la réédition, revue et considérablement augmentée ; et surtout si l’on n’y relevait des erreurs manifestes.

Il y est, par exemple, fait mention d’une tannerie de peau humaine « près de Charenton » : or, c’est à Meudon, d’après toutes les versions du temps, qu’existait un établissement où l’on tannait les peaux (nous ne disons pas les peaux humaines), et nous ne sachions pas que Meudon soit dans le voisinage de Charenton. C’est aussi de Meudon que nous parle un romancier qui se donne des apparences de mémorialiste [3] et qui aurait fait un excellent dramaturge, pour peu qu’il en eût eu la velléité. C’est à Meudon qu’avait été édifié l’établissement dont il nous fait un épouvantail. À la fête du 20 prairial, la fête de l’Être Suprême, plusieurs représentants, parmi lesquels Drouet, Lebas, Choudieu, Billaud-Varennes, etc., auraient porté des culottes en peau de chrétien ou de chrétienne, provenant de la fameuse tannerie.

« Je n’affirme ni ne conteste la chose, dit prudemment notre fabricant de légendes ; je n’ai pas été à même de la vérifier ; mais ce que j’affirme en pleine sûreté de conscience, c’est que tout le monde le croyait alors ; c’est que, malgré la terreur qui était à l’ordre du jour, cela se disait à peu près tout haut ; c’est qu’à Meudon surtout, personne n’en doutait, et que les habitants de ce village montraient avec une mystérieuse terreur les fenêtres de la salle du vieux château où se faisaient, suivant eux, ces horribles manipulations ; c’est qu’ils assuraient que chaque nuit l’on entendait le roulement lugubre des chariots couverts, qui voituraient là les troncs humains, que l’échafaud de la place de la Révolution envoyait alimenter la tannerie… »

Le commentaire qui suit va malheureusement tout gâter : « Et pourquoi pas ? conclut le narrateur. Pensez-vous que ce fût, en effet, calomnier beaucoup les chefs du gouvernement révolutionnaire, que de les supposer assez peu scrupuleux pour se faire des pantalons collants avec les peaux de leurs victimes ? »

In cauda venenum… C’est un homme de parti qui se révèle : sa déposition nous est désormais suspecte. Devons-nous ajouter plus de foi aux assertions d’un écrivain qui, sur un ton dogmatique et tranchant, vient appuyer de son autorité contestable ce qu’ont proclamé avant lui, sans plus de preuves, des témoins de seconde ou de troisième main ? « Aucun homme instruit, ayant sérieusement étudié la fin du dernier siècle, écrit Granier de Cassagnac [4], ne peut ignorer qu’on essaya avec un plein succès de tanner les peaux humaines. Il y a un mémoire de Roland, le célèbre Girondin, qui proposait à l’Académie de Lyon de distiller les os et la graisse des morts pour en faire de l’huile… »

Ailleurs, le même écrivain atteste avoir reçu deux lettres qui, selon son expression, lèvent « tous les doutes ». La première émanait d’un avocat à la Cour d’appel, qui tenait de son père, âgé de quinze ans à l’époque, qu’un mégissier d’Étampes « passait » pour préparer des peaux humaines, dont il faisait des culottes pour les officiers. La deuxième lettre était celle d’un ancien commissaire des guerres, prétendant avoir connu plusieurs camarades de régiment, qui revêtaient les grands jours des culottes de même provenance. Enfin, un M. Bérard aurait raconté, en 1847, à l’historien des Girondins, l’anecdote suivante :

M. Bérard tenait d’un vieillard, qu’avant la Révolution, celui-ci avait fait tanner la peau d’une servante pendue pour vol domestique, et qu’il s’en était fait une culotte ; quand il était en colère, il tapait vigoureusement sur ses cuisses en s’écriant : « Tiens ! voilà pour toi, coquine ! » Pour donner plus de poids à sa thèse, qu’il sentait bien n’être appuyée que sur des ragots et des cancans de portière, Cassagnac cite des auteurs de l’époque, qu’il considère comme des autorités, et qui sont, on l’a démontré depuis, fort sujets à caution : tels Prud’homme, dont L’Histoire impartiale des Révolutions est un tissu de calembredaines, entremêlées de quelques rares vérités ; Danican, qui parle vaguement, en quelque endroit de ses Brigands démasqués, d’un homme qui serait venu, il ne dit pas à quelle date, à la barre de la Convention, annoncer un procédé simple et nouveau, pour se procurer du cuir en abondance : ce procédé, on devine quel il est, quand on lit, dans le même ouvrage, que Barère et Vadier furent les premiers à porter des bottes faites de cuir humain. Ajoutons que Danican a été à la solde de tous les gouvernements ; c’est un espion qui a écrit son pamphlet loin de France, où il était allé mendier le pain de la trahison ; il n’y a pas lieu de s’arrêter à ses divagations subventionnées. Passons à des arguments plus sérieux.

Il y aurait, dit-on, « un fait matériel, constatant d’une manière péremptoire (sic) l’existence des tanneries dont il s’agit [5] ». Cette preuve ou plutôt ces preuves matérielles seraient : une affiche du temps, et un exemplaire de la Constitution de 1793, reliés tous deux en peau humaine. M. Louis Combes [6] a fait connaître le texte du placard, copié sur l’original même. Le titre se détache bien en relief :

RÉPONSE À L’AFFICHE
De BILLAUD-VARENNE, VADIER, COLLOT et BARÈRE
Contre le Rédacteur du Journal des Lois
Signé : F. GALETTI.
et au-dessous on lit :

Plusieurs journaux avaient parlé avant nous des prétendues tanneries de Meudon. Le fait nous parut si hasardé que nous le reléguâmes dans les on-dit, et nous nous contentâmes, dans un mémoire suivant, de rapporter littéralement les détails que donnait à ce sujet une feuille accréditée. Billaud-Varenne, Vadier, Collot et Barère ont cru bon et utile de signer une grande affiche bleue contre nous seuls ; elle couvre tous les murs de Paris, et nous voilà dénoncés par des hommes que toute la France dénonce !!!

À la première explication que nous venons de donner, nous n’ajouterons que le fait de la tannerie humaine, s’il n’a pas existé à Meudon, a certainement existé ailleurs, puisqu’un de nos abonnés nous envoie, comme un digne monument des décemvirs, une Constitution de 1783, imprimée à Dijon chez Causse, sur un papier vélin et reliée en peau humaine, qui imite le veau fauve. Nous offrons de la montrer à tous ceux qui seraient curieux de la voir…

Cette Constitution devint plus tard la propriété d’un historien de la Révolution, Villenave, qui y joignit un exemplaire de l’affiche et une note destinée à l’authentifier. Muni de telles références, le livre fut mis en vente et acquis en 1849, à un prix assez élevé, par un libraire parisien. Nous en perdons la trace jusqu’en 1864 ; le 13 février, le volume qui avait déjà fait tant de bruit, était vendu, par les soins de M. France, le père du maître styliste et délicieux conteur, pour la coquette somme de 231 francs. Cet exemplaire, qui a eu depuis plusieurs possesseurs, dont le marquis de Turgot, fut acheté en 1889 par la bibliothèque Carnavalet. C’est à cette bibliothèque que nous avons vu, il y a quelques années, ce curieux volume. C’est un in-12, très joliment relié, avec filets sur les plats, dentelle intérieure et des gardes en papier coquille, doré sur tranches ; la note autographe de Villenave y était encore annexée. « On dirait du veau », assure le rédacteur de l’affiche. Nous y reconnaîtrions plutôt de la basane fauve, avec cette différence que le grain est ferme, poli et serré, doux au toucher.

Rien, en tout cas, ne décèlerait l’origine humaine de cette peau, sans la note de Villenave. Au surplus, même en admettant qu’il s’agit bien de peau humaine, rien ne prouve qu’elle ait été tannée, par ordre de la Convention, dans un établissement de l’État, aux dépens des contre-révolutionnaires.

Mais nous ne sommes pas au bout de notre démonstration ; nous avons encore des témoins à entendre.

Le bibliophile Jacob, qu’il ne faut pas toujours croire sur parole, prétendait avoir connu « un vieil escompteur de la librairie, du nom de Souterre, – drôle de nom, – qui avait été jadis Hussard de la Mort », lequel lui avait assuré avoir porté une culotte en peau ou en cuir humain, faite d’une seule pièce. Notre bibliophile avait été également en relation avec un architecte, qui était, en 1823, un des plus terribles exécuteurs de la Bande Noire : il rasait les châteaux, aussi impitoyablement que la guillotine faisait tomber les têtes. Cet architecte lui avait confié que, se trouvant à l’armée, il avait porté une culotte de peau humaine « fort bien tannée, fort souple et fort convenable ».

« Vous ne me ferez pas croire, lui dit en plaisantant l’excellent Jacob, que votre culotte était sans coutures [7] ».

Paul Lacroix ajoutait qu’il lui était passé entre les mains un ouvrage, où il est question, en termes circonstanciés, des tanneries de peau humaine. L’auteur de cet ouvrage [8] devait, dit-il, savoir la vérité, puisqu’il avait été l’ami de Camille Desmoulins et son collaborateur ; il est vrai qu’il avait été aussi l’ami et le compagnon de détention, à Saint-Lazare, d’André Chénier, qui ne partageait pas précisément les sentiments politiques de Camille. Quoi qu’il en soit, voici ce que rapporte ledit ouvrage :

Quel est le peuple d’Europe qui ne prend pas pour une fable l’établissement de la tannerie de peau humaine à Meudon ? On se souvient cependant qu’un homme vint à la barre de la Convention, annoncer un procédé simple et nouveau pour se procurer du cuir en abondance ; que le Comité de Salut public lui accorda l’emplacement de Meudon, dont les portes furent soigneusement fermées, et qu’enfin plusieurs membres de ce comité furent les premiers qui portèrent des bottes faites de cuir humain. Ce n’était pas au figuré que Robespierre écorchait son peuple, et comme Paris fournissait des souliers aux armées, il a pu arriver à plus d’un défenseur de la patrie d’être chaussé avec la peau de ses parents et amis.

Cette déclaration est, comme les précédentes, une assertion sans preuves. Nous y retrouvons, presque sans modification, des phrases empruntées à Danican, dont nous avons établi la valeur testimoniale.

Il y a cependant un fait à retenir de ce qui précède : c’est qu’il a existé à Meudon un établissement où l’on se livrait à des manipulations mystérieuses. De plus, la tradition s’était conservée que, dans ce même château de Meudon, on avait fait des essais de tannage de peau humaine, mais à une époque antérieure à la Révolution : ne racontait-on pas que, vers la fin du règne de Louis XV, un anatomiste, qui n’était autre que le grand-père d’Eugène Sue, avait remis au roi une paire de pantoufles, confectionnées dans son laboratoire ; que le duc d’Orléans était apparu un soir, dans les salons du Palais-Royal, vêtu d’une culotte de peau humaine ? Un Dictionnaire d’histoire naturelle de l’époque n’allait-il pas jusqu’à donner la recette, à la portée de qui voulait en faire l’épreuve, pour tanner la peau de son semblable ? Aussi, quand le Comité de Salut public décida la création, à Meudon, d’un établissement dont on ne faisait pas connaître la destination, établissement qui était entouré de murailles épaisses, dont il était défendu d’approcher ; quand on arrêta, comme émissaires de l’étranger, des individus qui avaient tenté d’enfreindre la consigne ; qu’on décréta la peine de mort contre quiconque se hasarderait à les imiter, le peuple eut vite fait de créer la légende du tannage des peaux, provenant des suppliciés.

Bientôt on murmura tout haut ce qu’on avait jusqu’alors chuchoté tout bas. Quelques feuilles de l’opposition firent allusion à la tannerie des sans-culottes, surtout après la chute du dictateur. Les représentants, – des thermidoriens, – récemment chargés de la surveillance de l’établissement de Meudon, crurent devoir, pour couper court à ces bruits, répondre par la voix du Moniteur :

Les représentants du peuple envoyés à Meudon pour surveiller les épreuves des nouvelles inventions, adressent à la Convention une lettre par laquelle ils réclament contre un bruit calomnieux inséré dans plusieurs journaux, que sous la tyrannie (celle de Robespierre), on tannait à Meudon des peaux humaines pour en faire des cuirs.

La Convention passe à l’ordre du jour.

Le Journal des hommes libres, le Journal des Débats et Décrets, organes des partis modérés tous les deux – détail important à noter – publiaient le même démenti, sous une forme légèrement différente.

En réalité, l’établissement de Meudon avait une double destination : c’était une vaste usine, où se fabriquaient sans relâche des munitions de guerre; c’était, en outre, un laboratoire d’expériences relatives à des machines nouvelles, à des engins destructeurs, à tout ce qui touchait, en un mot, à la défense nationale. C’est là que furent faits les premiers essais, qui s’y sont poursuivis de nos jours, d’aérostation militaire ; on comprend que le plus grand secret devait entourer de pareilles opérations.

Il y fut bien établi une tannerie, mais seulement après le 9 thermidor. La Tannerie de l’île de Sèvres, postérieure à la chute de Robespierre et au régime de la Terreur, avait été placée sous la direction du citoyen Séguin, « inventeur de nouveaux procédés pour le tannage des cuirs ». Cet établissement avait été créé pour fournir le cuir dont on manquait et qui servait à la confection de souliers destinés aux soldats de la République : c’était le temps où les volontaires allaient se faire tuer aux frontières, les pieds nus dans la neige et la boue ; les mieux partagés portaient des sabots garnis de foin.

Séguin fut présenté au Comité de Salut Public par Berthollet et c’est sur le rapport très étudié de Fourcroy, que la Convention avait décrété la fondation de la Tannerie de Sèvres. Le Comité y attachait une telle importance, qu’il crut devoir procurer au citoyen Séguin « toutes espèces possibles de facilités ». Le 11 brumaire, il mettait à sa disposition tout le tan que l’on pourrait recueillir dans les propriétés nationales et il ajoutait que l’intérêt de la République exigeait que le gouvernement le secondât de tout son pouvoir.

En faveur du nouvel établissement, on faisait enlever la pompe de la maison nationale de Passy, connue sous le nom de couvent de Sainte-Marie. On transformait les grandes écuries du ci-devant roi, à Versailles, en dépôt pour les peaux à tanner. Enfin, la propriété nationale connue sous le nom de Maison Brancas, à Sèvres, ainsi que l’île qui touche au pont de cette commune et une propriété située à Ravanny, dans le district de Nemours, étaient vendues à Séguin, pour l’agrandissement de sa tannerie [9].

C’était donc une grosse industrie, qui exigeait toute l’activité de celui qui en était le chef et l’âme dirigeante.

Comment supposer qu’un homme aussi occupé ait pu songer, même pour se délasser dans ses moments de loisirs, à tanner de la peau humaine ?

On a prétendu que son fils, ou l’un de ses parents, avait longtemps conservé une paire de gants de cette matière, qu’il montrait à ses visiteurs comme un objet de haute curiosité. Même au cas où ils seraient l’oeuvre d’Armand Séguin, nous n’aurions pas là un argument suffisant en faveur d’une fabrication continue et systématique de culottes de peaux, ordonnées par des sans-culottes. Reléguons donc cette fable au magasin d’accessoires des Alexandre Dumas père et des Ponson du Terrail et déchargeons la Révolution d’une imputation aussi sotte qu’elle est odieuse.

NOTES

  • [1] Anecdotes relatives à quelques personnes et à plusieurs événements remarquables de la Révolution, par J.-B. HARMAND, de la Meuse, (Paris, Maradan, 1820, in-8), p. 78.
  • [2] V. Les Mémoires secrets du dix-neuvième siècle, Paris, 1874.
  • [3] Souvenirs de la Terreur, par Georges Duval.
  • [4] Histoire des Girondins et des Massacres de Septembre.
  • [5] GRANIER DE CASSAGNAC, op. cit.
  • [6] Épisodes et Curiosités révolutionnaires.
  • [7] Cf. Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1873.
  • [8] DUSAULCHOY DE BERGEMONT, Mosaïque historique, littéraire et politique, ou glanage instructif et divertissant d’anecdotes inédites ou très peu connues, de recherches bibliographiques, de traits curieux, de bons mots et de médisances, (Paris, Rosa, 1818), 2 vol. In-12, avec 2 lithographies de Charlot, p. 140 du premier volume : Tannerie de peau humaine.
  • [9] « Le 5 ventôse, ordre était donné de fournir cinquante milliers (de livres) de sels pour saler les peaux provenant de l’abattage de Paris et déposées dans la Chapelle des Orfèvres, en attendant qu’elles soient transportées à Sèvres. La difficulté des transports par la Seine avait exigé la salaison des peaux restées depuis plusieurs jours dans les échaudoirs. Pour peu que l’on eût tardé à les saler, il s’en perdait pour des valeurs très considérables et la putréfaction enlevait à la république des matières devenues extrêmement précieuses par leur rareté. » Catalogue d’une importante collection de documents autographes et historiques sur la Révolution française, etc. Paris, Charavay, 1862.

 

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LES ARCHIVES DU CALVADOS rencontrent FACEBOOK…

LES ARCHIVES DU CALVADOS rencontrent FACEBOOK…
Ci-dessus, le fonds des archives notariales aux Archives départementales du Calvados à Caen.
Les photos qui illustrent cet article ont été trouvées sur le site calvados.fr. Le copyright leur appartient.

NOMbreuses sont les personnes qui gravitent autour de notre Association qui ont souvent joué ou jouent toujours les détectives dans les archives de tous poils (départementales, nationales, diocésaines, notariales, amirautés, évêchés, présidiaux, etc.) pour des besoins professionnels. Et toutes vous dirons que la généralisation, il y a longtemps –  (à peu près à l’époque des dinosaures, semble-t-il pour les plus âgés d’entre nous) – des microfilms, pour certains cotes, fut déjà une belle avancée.

Les Archives départementales à Caen

Les Archives départementales à Caen. Copyright : calvados.fr

LE confort que les nouvelles technologies apportent pour la consultation des archives (plus d’attente pour un document déjà en main, moins de manipulation de documents fragiles, moins de déplacements fastidieux) est accueilli depuis que la numérisation à grande échelle à débuté avec enthousiasme tant par les professionnels que par les amateurs.

L’adresse FACEBOOK : http://archives.numerisees.calvados.fr/cg14v3/accueil.php. Nous leur souhaitons bonne chance sur ce support populaire qui peux aider à faire connaître cette belle administration que sont nos Archives.

Le site des Archives du Calvados : http://archives.numerisees.calvados.fr/cg14v3/accueil.php

Et un peu de publicité pour l’exposition du moment !

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Copyright : calvados.fr

 

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OUVREZ UN LIVRE POUR L’OUVERTURE DE LA CHASSE

OUVREZ UN LIVRE POUR L’OUVERTURE DE LA CHASSE

Ouverture de la chasse ce dimanche. Un bon prétexte pour découvrir de nouveaux livres.

Ouverture de Chasse en Normandie

Ouverture de Chasse en Normandie

Une ouverture de chasse en Normandie, par « Fusillot ».

L’ouverture de la chasse est un jour important.
A cette occasion se retrouvent une douzaine de fusil, dont un vieux colonel, son fils, des chiens dont Médor, quelques notables des environs au caractère bien trempé et…

C’est à la fin du siècle dernier que Paul Reveilhac, auteur entre autres d’un célèbre Bécasse, fit paraître cette savoureuse nouvelle qui mettra, sans nul doute, ses lecteurs de bonne humeur.

Il y a aussi ceci : 

garenne

ou cela :

Souvenir d'un Fusil de Chasse

Souvenir d’un Fusil de Chasse

et aussi cet ouvrage ancien à feuilleter sur le base de données Gallica, ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5831464c

chasse gallica

chasse gallica 2

 

A s’offrir ou à offrir (le temps de Noël et du Porcher n’est pas si loin…), ce célèbre et magnifique ouvrage médiéval :

chasse phoebus

chasse moyen age

 

kidghiuognsngn,f

fez

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Web cerfs g phebus

gaston

 

 

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NOUS SERONS PRESENT A LA FETE MEDIEVALE DE BAYEUX LES 6 ET 7 JUILLET 2013…

NOUS SERONS PRESENT A LA FETE MEDIEVALE DE BAYEUX LES 6 ET 7 JUILLET 2013…

L’Association PETITS OBJETS DE COMPAGNIE participe à la fête médiévale de Bayeux les 6 et 7 juillet 2013.

Vous trouverez notre échoppe rue de la Chaîne.

Au programme des céramiques et des bijoux fabriqués en France par nos artisans...

… Et tout ce que vous voudriez savoir sur le fonctionnement de le LITTLE FREE LIBRARY…la petite bibliothèque  et ses échanges de livres et d’idées…

 

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FETE MEDIEVALE DE BAYEUX EN JUILLET

FETE MEDIEVALE DE BAYEUX EN JUILLET

PETITS OBJETS DE COMPAGNIE participera encore cette année à la Fête Médiévale de Bayeux, les 6 et 7 juillet prochain.

Sur notre stand vous trouverez comme tous les ans de la céramique en grès cuite à très haute température : écuelles médiévales, salières magiques, boîtes à sel, boîtes, oiseaux siffleurs…

Des bijoux créés par un orfèvre seront à l’honneur : des copies d’anciens modèles, mais aussi des créations revisitant des thèmes médiévaux français et anglais ainsi que quelques grandes heures ou figures historiques :  blason normand (Twocats), blason de Richard Coeur de Lion, sceau de Guillaume le Conquérant, Jeanne d’Arc,fleur de lys, templiers, wicca, chasse, animaux, Viking…).

Pendentif

Pendentif tête de Vking, étain recouvert d’argent par électrolyse. Fabrication française.

Ces bijoux sont en étain trempé dans un bain d’or ou d’argent (électrolyse). Vous découvrirez des pin’s normands (avec les TWOCATS), des médailles, des porte-clefs, des broches…

Tous les produits présentés sont l’oeuvre d’artisans français et fabriqués en France (Bayeux, Guérande, Paris.) Certains produits sont même finalisés par nos soins bénévoles ( pose d’anneaux sur les bijoux, émaillage des oiseaux siffleurs.) Tous sont édités en séries limitées et montrent des différences à l’intérieur de ces mêmes séries dues au fait qu’ils sont réalisés à la main.

Vous trouverez aussi sur le stand tous les renseignements concernant la LITTLE FREE LIBRARY. Nous recueillerons les dons de livres sur le stand durant tout le week-end pour ceux qui voudraient nous aider à étoffer les rayonnages.

 

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